Repos hebdomadaire : ce que change l’arrêt du 13 novembre 2025 pour les salariés

Ce que change réellement l’arrêt du 13 novembre 2025 sur le repos hebdomadaire

  • La Cour de cassation confirme qu’un salarié peut travailler plus de six jours consécutifs dès lors qu’un repos hebdomadaire existe dans chaque semaine civile.
  • Le repos hebdomadaire (24 h + 11 h de repos quotidien) n’a pas à être placé immédiatement après une séquence de six jours travaillés.
  • La règle se fonde uniquement sur la semaine civile (lundi 0h → dimanche 24h), et non sur le nombre de jours successifs.
  • Certaines organisations du travail peuvent ainsi conduire à 11 ou 12 jours consécutifs, sans violation du Code du travail, si les repos sont correctement positionnés.
  • Employeurs, RH et managers doivent vérifier leurs plannings et accords internes pour garantir la conformité et prévenir les risques contentieux liés au droit au repos.

Repos hebdomadaire : la Cour de cassation redéfinit la règle des six jours consécutifs

La règle selon laquelle un salarié ne peut travailler plus de six jours par semaine suscitait, depuis des années, une incertitude majeure. Fallait-il comprendre qu’un repos devait impérativement intervenir après six jours successifs de travail, ou suffisait-il de garantir un repos au sein de chaque semaine civile, quelle que soit la durée de l’enchaînement ? Dans un arrêt publié au Bulletin le 13 novembre 2025 (Cass. soc., 13 nov. 2025, n°24-10.733), la Cour de cassation tranche définitivement la question. Cette décision, attendue par les praticiens des RH, avocats en droit social à Versailles, employeurs et représentants du personnel, recompose en profondeur la compréhension du repos hebdomadaire et ses modalités d’aménagement.

Une clarification nécessaire dans un cadre législatif ambigu

Le droit au repos hebdomadaire est l’un des piliers de la protection de la santé du salarié. Le Code du travail prévoit deux exigences cumulatives : un repos quotidien d’au moins onze heures consécutives et un repos hebdomadaire de vingt-quatre heures. À cela s’ajoute l’interdiction de faire travailler un salarié plus de six jours par semaine.

Cependant, le texte ne précise pas le moment auquel ce repos doit être accordé. Faut-il obligatoirement l’accorder après six jours consécutifs de travail ? Ou bien suffit-il qu’il intervienne dans l’intervalle de la semaine civile, indépendamment de la séquence des jours travaillés ?

La distinction n’est pas anodine : dans certains secteurs (événementiel, commerce, pharmaceutique, hôtellerie-restauration, maintenance et astreintes), les cycles de travail s’étalent au-delà de six journées successives. Plusieurs décisions prud’homales s’étaient d’ailleurs appuyées sur la notion de « six jours consécutifs » pour condamner des employeurs ayant organisé des plannings intenables. D’autres juridictions retenaient une interprétation plus souple, fondée sur la semaine civile.

Cette divergence appelait une clarification au plus haut niveau. C’est désormais chose faite.

L'arrêt du 13 novembre 2025 : le repos hebdomadaire se décompte dans la semaine civile, non par séquence de six jours

Dans l’affaire jugée, un salarié avait travaillé jusqu’à douze jours consécutifs, à l’occasion d’événements professionnels successifs. La cour d’appel avait retenu une violation du droit au repos au motif que l’enchaînement dépassait six jours d’affilée. Elle considérait que l’interdiction de faire travailler un salarié plus de six jours « par semaine » imposait un repos au plus tard après six journées consécutives.

La Cour de cassation adopte une lecture différente. Elle précise que :

– le repos hebdomadaire doit être pris à l’intérieur de chaque semaine civile (du lundi 0 h au dimanche 24 h),
– peu importe le nombre de jours consécutifs travaillés,
– il n’existe aucune exigence de repos au plus tard après six jours successifs.

Ainsi, en présence d’un repos hebdomadaire effectué le dimanche d’une semaine civile, puis le samedi de la semaine suivante, le salarié peut, en pratique, travailler entre ces deux repos pendant une durée s’étendant jusqu’à douze jours consécutifs.

La Cour alignerait ainsi le droit français sur la logique dégagée par la jurisprudence européenne, selon laquelle le repos hebdomadaire doit être accordé « au cours d’une période de sept jours », sans exigence d’immédiateté.

Une décision aux conséquences pratiques majeures

1. L’enchaînement de 10 à 12 jours de travail devient légal… sous conditions

L’arrêt ne signifie pas que toutes les séquences longues deviennent acceptables. Il consacre toutefois la possibilité, dans certaines organisations, d’enchaîner plus de six jours de travail sans contrevenir aux textes.
Les secteurs fonctionnant en cycles, en roulement ou en opérations ponctuelles (salons, inventaires, chantiers, fermetures d’exercices), verront dans cette décision une sécurité juridique bienvenue.

2. Le respect strict de la semaine civile devient déterminant

L’employeur doit impérativement s’assurer que chaque semaine civile comporte un repos hebdomadaire complet, c’est-à-dire une période de vingt-quatre heures consécutives ajoutée au repos quotidien. Le non-respect de cette exigence entraîne automatiquement une violation du droit au repos.

3. L’obligation de sécurité demeure inchangée

Si la règle de décompte est assouplie, l’employeur conserve une obligation de sécurité vis-à-vis de ses salariés.
Autrement dit, la possibilité légale d’enchaîner douze jours ne dispense pas l’employeur de veiller à ne pas exposer le salarié à une surcharge de travail incompatible avec la préservation de sa santé physique ou mentale.
Dans certaines situations (travailleurs de nuit, postes pénibles, forte intensité opérationnelle), une séquence prolongée pourrait être qualifiée de manquement à cette obligation.

4. Les conventions collectives peuvent prévoir mieux

L’arrêt rappelle en creux que rien n’interdit à une convention collective ou à un accord d’entreprise d’instaurer une protection plus exigeante.
Certains textes prévoient déjà une limitation stricte du nombre de jours successifs travaillés ; ces dispositions demeurent pleinement applicables et s’imposent à l’employeur.

5. Un enjeu probatoire accru en cas de contentieux

En cas de litige relatif au repos hebdomadaire, l’employeur devra démontrer :

  • qu’un repos a été effectivement accordé dans chaque semaine civile,
  • que ce repos était réel et non fractionné,
  • que l’organisation des plannings n’a pas porté atteinte à la santé du salarié.

La maîtrise des outils de gestion du temps, des pointages et des cycles de travail devient donc indispensable.

Une lecture renouvelée du droit du repos hebdomadaire

L’arrêt invite les praticiens à reconsidérer certaines idées reçues. Le droit au repos ne s'apprécie pas en fonction d’un nombre fixe de jours travaillés, mais en fonction d’une période de référence : la semaine civile.
La distinction, souvent ignorée dans la pratique, est pourtant fondamentale.

Le repos hebdomadaire n’est pas une sanction du travail intensif

La règle vise à garantir un temps de repos minimal dans un cadre temporel déterminé. Elle ne cherche pas à sanctionner un rythme de travail soutenu si celui-ci respecte, dans l’intervalle de la semaine civile, la durée minimale imposée par le législateur.

Une cohérence avec la jurisprudence européenne

L’approche retenue par la Cour est pleinement alignée avec la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. Celle-ci considère le repos hebdomadaire comme un droit à exercer dans une séquence de sept jours, mais sans obligation de l’accorder immédiatement après une période continue de travail.

Les recommandations pour les employeurs

1. Vérifier les cycles et affectations

Les plannings doivent être contrôlés semaine par semaine, et non journée par journée.

2. Sécuriser les repos en cas d’événements exceptionnels

Lors de salons, inventaires, fermetures annuelles ou pics d’activité, un repos anticipé ou différé devra être clairement identifié dans la semaine civile concernée.

3. Documenter systématiquement

Les systèmes de gestion du temps doivent pouvoir démontrer le respect du repos hebdomadaire. En cas de contestation prud’homale, l’absence de preuve est presque toujours fatale à l’employeur.

4. Préserver la santé du salarié

L’enchaînement de longues séquences doit rester exceptionnel. En cas de risque pour la santé, l’employeur pourrait être condamné malgré le respect formel de la semaine civile.

Une décision qui modifie l’équilibre entre flexibilité et protection

L'arrêt du 13 novembre 2025 clarifie enfin une zone grise du droit du travail. Toutefois, il déplace également l’analyse du terrain strictement textuel vers une appréciation plus globale du respect de la santé du salarié. En acceptant que l’enchaînement de plusieurs jours consécutifs puisse être légal, la Cour appelle implicitement les employeurs à un devoir de vigilance renforcé.

Ce nouvel équilibre rappelle une constante du droit du travail : les règles formelles n’épuisent jamais le contrôle du juge lorsque la santé du salarié est en jeu. La souplesse ouverte par la semaine civile ne doit donc pas masquer l’exigence d’une organisation raisonnable, proportionnée et respectueuse des limites humaines.

Les questions essentielles soulevées par l’arrêt du 13 novembre 2025

1. Un employeur peut-il légalement faire travailler un salarié plus de six jours consécutifs ?

Oui. L’arrêt du 13 novembre 2025 met fin à l’ambiguïté entourant l’article L. 3132-1 du Code du travail. La Haute juridiction confirme qu’il n’existe aucune obligation d'accorder un repos après six jours consécutifs de travail.
Seule exigence : chaque semaine civile (lundi 0 h → dimanche 24 h) doit comporter un repos hebdomadaire d’au moins 24 heures consécutives, auquel s’ajoutent les heures de repos quotidien.


Cela signifie que des séquences de 10, 11 ou même 12 jours consécutifs peuvent être conformes, dès lors que le salarié a bénéficié de son repos hebdomadaire dans chacune des semaines civiles concernées.

2. La semaine civile limite-t-elle la souplesse des plannings ?

La semaine civile sert désormais de seule référence temporelle pour apprécier le respect du repos hebdomadaire.
Ainsi, un employeur peut placer un repos le lundi d’une semaine, puis le dimanche de la semaine suivante, ce qui conduit mécaniquement à un enchaînement prolongé de jours travaillés.
Cette lecture offre une flexibilité accrue aux secteurs soumis à des cycles irréguliers (événementiel, hôtellerie, salons professionnels, commerces de fin de semaine).
Toutefois, cette souplesse ne doit pas conduire à ignorer l’obligation de sécurité. Un planning légal peut devenir dangereux s’il met en péril la santé du salarié.

3. Ce cadre autorise-t-il des pratiques potentiellement dangereuses pour la santé ?

L’arrêt ne remet pas en cause l’obligation générale de sécurité qui impose à l’employeur de préserver la santé physique et mentale des salariés.
Des séquences longues, même juridiquement valides, peuvent devenir contestables si elles provoquent une fatigue excessive, un risque d’accident ou une dégradation de l’état de santé.
Un salarié ayant travaillé 12 jours d’affilée pourrait invoquer une atteinte à la santé, un manquement à l’obligation de prévention ou un risque grave.
Ainsi, cette jurisprudence ne doit pas être interprétée comme une autorisation de « pousser » le travail au-delà du raisonnable : la légalité n’exonère pas de la vigilance sanitaire.

4. Les conventions collectives peuvent-elles prévoir des protections supérieures ?

Absolument. Le Code du travail pose un minimum légal, mais les branches disposent d’une marge de manœuvre importante.
Nombre d’entre elles limitent déjà le nombre de jours consécutifs (transports, santé, commerce, bâtiment), certaines imposant que le repos hebdomadaire soit pris immédiatement après une période de travail prolongée.


Dans ces cas, la règle conventionnelle prime car elle est plus favorable au salarié.
L’employeur doit donc effectuer un contrôle à deux niveaux :

  • conformité au Code du travail ;
  • conformité à la convention ou à l’accord interne applicable.

5. Un salarié peut-il contester son planning malgré la conformité légale ?

Oui, plusieurs voies demeurent ouvertes.
Le salarié peut invoquer :

  • un manquement à l’obligation de sécurité, si la durée excessive compromet sa santé ;
  • un risque grave permettant d’alerter le CSE ;
  • une modification de planning abusive (par exemple, des amplitudes trop importantes et répétées) ;
  • une atteinte à la vie personnelle et familiale ;
  • ou encore un harcèlement organisationnel, si les conditions d’exécution du travail deviennent délétères.
    Ainsi, même lorsque le planning respecte la semaine civile, l’employeur doit être en mesure de démontrer qu’il a pris toutes les mesures nécessaires pour garantir des conditions de travail équilibrées et soutenables.