Congés payés et heures supplémentaires : ce que change la Cour de cassation au 10 septembre 2025

Ce qu’il faut retenir sur les congés payés et heures supplémentaires

  • Un salarié en arrêt maladie pendant ses congés payés a désormais droit au report des jours chevauchants, à condition d’avoir notifié son arrêt à l’employeur.
  • La Cour de cassation aligne le droit français sur le droit de l’Union, mettant fin à une divergence de plus de vingt ans.
  • Les congés payés doivent être pris en compte dans le calcul du seuil de déclenchement des heures supplémentaires lorsque la durée du travail est décomptée à la semaine.
  • Les employeurs doivent adapter leurs process RH et paie (notification, GTA, bulletins de salaire, accords collectifs).
  • Les salariés doivent être attentifs à préserver leurs droits en notifiant leur arrêt, en contrôlant leurs bulletins et en agissant dans les délais de prescription.

Pourquoi cet arrêt sur les congés payés est décisif

La chambre sociale de la Cour de cassation a opéré, le 10 septembre 2025, un double réalignement attendu en matière de congés payés. D’une part, elle consacre le droit au report des congés payés lorsque un arrêt maladie survient pendant la période de congés, sous réserve de la notification de cet arrêt à l’employeur.

D’autre part, elle décide que, lorsque la durée du travail est décomptée à la semaine, les congés payés sont pris en compte pour déterminer le seuil de déclenchement des heures supplémentaires.

Ces deux solutions, issues de deux arrêts rendus en formation plénière de chambre, tirent explicitement les conséquences du droit de l’Union tel qu’interprété par la Cour de justice.

Pour les employeurs comme pour les salariés, le changement est à la fois pratique et financier. Les procédures internes d’absences doivent être ajustées, les paramétrages GTA et paie revisités, et les contentieux en cours réévalués.

Le fondement juridique du revirement en matière de congés payés

Le droit interne fixe le principe du congé à l’article L. 3141-3 du code du travail. La directive 2003/88/CE, art. 7, et l’article 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne assurent un socle minimal de droit au congé annuel payé. Pendant des années, la jurisprudence nationale a retenu que le salarié tombant malade au cours de ses congés payés ne pouvait exiger un report.

Cette lecture a été progressivement remise en cause à la lumière de la jurisprudence européenne, qui distingue la finalité du congé annuel, dédié au repos et aux loisirs, de celle de l’arrêt maladie, centrée sur la guérison.

En 2025, la Cour de cassation interprète désormais l’article L. 3141-3 à la lumière du droit de l’Union et reconnaît un droit au report des jours de congés payés coïncidant avec une période d’arrêt maladie. Le réalisme de la solution tient à une condition procédurale simple et protectrice des deux parties.

Maladie pendant les congés payés : un droit au report sous condition de notification

La règle nouvelle sur les congés payés

Le principe est clair. Si un salarié est placé en arrêt maladie pendant ses congés payés, les jours chevauchant l’arrêt ne peuvent plus être considérés comme consommés. Ils sont reportés et pourront être pris ultérieurement. Ce mécanisme ne remet pas en cause l’obligation de l’employeur d’autoriser les congés mais en ajuste l’exécution lorsque survient un empêchement légalement protégé.

La condition de notification à l’employeur

La Cour assortit ce droit d’une exigence de notification. Le salarié doit informer l’employeur de l’arrêt maladie pour que le report s’opère. Cette exigence s’inscrit dans un objectif de sécurité juridique et de bonne foi. Elle permet à l’employeur d’organiser le service, de tracer l’absence et de procéder aux régularisations de compteurs.

Bonnes pratiques pour sécuriser la notification :

  • prévoir dans la note RH ou le règlement intérieur un canal privilégié de transmission des arrêts pendant congés, avec un délai raisonnable de signalement ;
  • aligner les mentions du livret d’accueil et des emails d’absence sur cette exigence ;
  • conserver la preuve de la notification et de la réception, côté salarié comme côté employeur.

Le régime du report des congés payés

Trois points appellent une vigilance accrue.

  1. Imputation et calendrier
    Le report doit, en principe, intervenir à l’intérieur de la période légale ou conventionnelle de prise des congés. À défaut, il s’opère sur une période ultérieure d’un commun accord, en veillant à respecter les contraintes de service et les droits acquis. L’employeur reste fondé à fixer l’ordre des départs, sous contrôle du juge en cas d’abus.
  2. Incidence sur les compteurs
    En paie, les jours initialement déduits au titre des congés payés pendant la période d’arrêt sont rétablis. Concrètement, la GTA doit distinguer un motif d’absence « arrêt maladie pendant congés » qui recrédite le compteur CP et comptabilise l’indemnisation maladie selon les règles applicables.
  3. Prescription et conservation des droits
    La question des délais se traite à deux niveaux. D’abord, la prescription triennale des créances salariales de l’article L. 3245-1 du code du travail encadre les actions en rappel d’indemnités ou en répétition de l’indu. Ensuite, les règles de conservation du droit à congé issues du droit de l’Union, plus protectrices, peuvent conduire à préserver le droit au-delà des périodes ordinaires lorsque l’empêchement perdure ou que l’employeur n’a pas mis le salarié en mesure d’exercer effectivement ses congés. L’anticipation, la traçabilité et la transparence documentaire demeurent déterminantes.

Heures supplémentaires et congés payés : un changement d’assiette au niveau hebdomadaire

Le rappel du cadre légal

L’article L. 3121-28 du code du travail définit l’heure supplémentaire comme celle accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente. Historiquement, la jurisprudence française excluait les jours de congés payés du calcul du seuil de déclenchement des heures supplémentaires, au motif qu’ils ne constituaient pas du temps de travail effectif. Cette exclusion créait un effet financier paradoxal pour le salarié posant des congés au sein d’une semaine comportant des dépassements horaires.

La nouvelle approche imposée par le droit de l’Union

La Cour retient désormais que, pour les salariés soumis à un décompte hebdomadaire de la durée du travail, les jours de congés payés doivent être inclus dans l’assiette permettant d’apprécier si le seuil ouvrant droit à majoration d’heures supplémentaires est atteint. L’argument est double. D’une part, le droit au congé annuel payé est un droit fondamental. D’autre part, toute pratique qui dissuaderait un salarié de prendre ses congés en raison d’un désavantage financier, même différé, est incompatible avec sa finalité.

En pratique, une semaine de 35 heures dont un jour est posé en congé payé ne doit plus être artificiellement « minorée » pour échapper à la majoration. Si le salarié réalise 4 jours à 8 heures et qu’un cinquième jour est en congé payé, les heures accomplies au-delà de 35 heures au cours de la semaine doivent être majorées selon le régime conventionnel applicable.

Conséquences concrètes pour la paie et la GTA

Pour se conformer à cette lecture, les entreprises devront :

  • paramétrer la GTA pour compter les jours de congés payés comme neutralisant l’effet de « semaine incomplète » dans la détection des dépassements ;
  • adapter les contrôles de paie de fin de mois, en comparant les exports « heures sup brutes » et « heures sup recalculées intégrant CP » ;
  • mettre à jour les accords ou usages qui, directement ou indirectement, excluraient les congés payés de l’assiette hebdomadaire, sous peine d’inopposabilité partielle.

Incidences pratiques pour les employeurs et les salariés

Ce que doivent faire les employeurs

  • Mettre à jour la documentation interne : règlement intérieur, notes RH, procédures d’absences et d’urgences pendant congés.
  • Former la ligne managériale : savoir recueillir une notification d’arrêt survenant pendant les congés et orienter le salarié vers le bon canal.
  • Sécuriser la paie : créer un motif d’absence spécifique, recalculer les droits, vérifier la majoration des heures supplémentaires dans les semaines comportant des congés payés.
  • Tracer : consigner les notifications, les échanges et les régularisations, pour prévenir les contentieux de preuve.

Les réflexes utiles pour les salariés

  • Notifier sans délai l’arrêt maladie à l’employeur selon la procédure interne.
  • Conserver les justificatifs médicaux et les preuves d’envoi et de réception.
  • Contrôler le bulletin de paie : vérifiez le rétablissement des jours de congés payés et, le cas échéant, la majoration des heures accomplies au-delà de 35 heures en présence de congés dans la semaine.
  • Agir dans les temps : garder à l’esprit la prescription triennale des créances salariales.

Points de vigilance contentieux

L’articulation avec l’accord collectif

De nombreux accords organisent la répartition du temps de travail et la prise des congés. Si une clause exclut les congés payés du calcul des heures supplémentaires hebdomadaires, elle est désormais susceptible d’être écartée par le juge, dans la mesure nécessaire pour garantir l’effectivité du droit au congé. L’entreprise devra identifier les clauses sensibles et, le cas échéant, ouvrir des négociations d’ajustement.

La preuve de la notification et la bonne foi

La condition de notification de l’arrêt pendant les congés place la preuve au cœur du dispositif. Un salarié qui n’établirait pas avoir informé l’employeur pourrait voir son report contesté. À l’inverse, un employeur informé qui ne recrédite pas le compteur ou refuse un report raisonnable s’expose à un rappel de droits et, potentiellement, à des dommages et intérêts.

La prescription et la répétition de l’indu

Les opérations de régularisation, qu’elles portent sur des CP recrédités ou sur des heures supplémentaires majorées, doivent être menées sous l’angle des délais. L’article L. 3245-1 du code du travail gouverne les actions en paiement et en répétition des salaires. En pratique, un audit rapide des situations des trois dernières années est recommandé pour circonscrire l’exposition et sécuriser les écritures de paie.

Exemple pratique pour illustrer la nouvelle règle

Semaine décomptée à 35 heures. Le salarié travaille 4 jours à 8 h et pose 1 jour de congé payé. Il effectue par ailleurs 4 h au-delà de son horaire quotidien sur deux jours. Avant le 10 septembre 2025, on raisonnait parfois sur 32 h « effectives » et aucune heure supplémentaire n’était décomptée. Dorénavant, le jour de congé est pris en compte dans l’assiette hebdomadaire. Le seuil de 35 h est atteint. Les 4 h au-delà constituent des heures supplémentaires et appellent la majoration prévue par la loi et la convention collective.

Ce qu’il faut retenir sur les congés payés et la paie

  • Un arrêt maladie survenant pendant des congés payés ouvre droit au report des jours chevauchants, sous réserve de notification à l’employeur.
  • Pour les semaines soumises à un décompte hebdomadaire, les congés payés sont inclus pour apprécier le seuil des heures supplémentaires.
  • Les documents internes, les paramétrages GTA et les accords collectifs doivent être actualisés.
  • La preuve de la notification et la traçabilité des régularisations sont essentielles en cas de litige.
  • La prescription triennale de l’article L. 3245-1 encadre les régularisations financières.

Sécuriser sans tarder la gestion des congés payés

L’alignement de la Cour de cassation sur le droit de l’Union rend la gestion des congés payés plus cohérente avec leur finalité protectrice. Il impose, en contrepartie, une rigueur accrue dans la conduite des absences, la tenue des compteurs et le calcul des heures supplémentaires. Les directions des ressources humaines et les services de paie gagneront à procéder à un diagnostic rapide des pratiques et à opérer les ajustements nécessaires. Les salariés, de leur côté, ont intérêt à respecter scrupuleusement les procédures de notification et à vérifier l’exactitude de leurs bulletins.

En cas de doute sur l’application à votre convention collective ou sur le traitement d’une situation individuelle, un audit social ciblé et un accompagnement contentieux permettront d’éviter des régularisations coûteuses et de consolider vos process internes dans la durée.

FAQ sur les congés payés et heures supplémentaires

Un salarié malade pendant ses congés payés peut-il demander un report ?

Oui. Depuis les arrêts du 10 septembre 2025, les jours de congés qui coïncident avec un arrêt maladie ne sont plus considérés comme consommés. Ils doivent être reportés et pris ultérieurement. La seule condition est la notification de l’arrêt maladie à l’employeur.

L’employeur peut-il refuser le report des congés payés ?

Non, dès lors que l’arrêt maladie est régulièrement notifié. En revanche, l’employeur conserve la possibilité de fixer les dates de report en tenant compte des nécessités du service, comme il le ferait pour toute demande de congés. Le refus pur et simple serait contraire au droit.

Comment les congés payés influencent-ils le calcul des heures supplémentaires ?

Lorsque la durée du travail est décomptée à la semaine, les jours de congés payés doivent être intégrés dans l’assiette permettant de déterminer si le seuil de 35 heures est franchi. Ainsi, un salarié ayant travaillé 32 heures et pris 1 jour de congé payé peut déclencher des heures supplémentaires s’il a dépassé la base hebdomadaire.

Quelles obligations pèsent désormais sur l’employeur ?

L’employeur doit :

  • adapter ses procédures internes pour recueillir la notification des arrêts maladie pendant congés,
  • paramétrer correctement la GTA et la paie,
  • former les managers au recueil des notifications,
  • sécuriser la preuve et la traçabilité des régularisations.
    Ces obligations découlent directement du principe d’effectivité des droits au congé et à la majoration des heures supplémentaires.

Quels sont les délais pour contester ou réclamer ses droits ?

Les créances de salaires, y compris celles liées aux indemnités de congés payés ou aux heures supplémentaires, sont soumises à la prescription triennale de l’article L. 3245-1 du code du travail. Le salarié dispose donc de trois ans pour agir, à compter du jour où il a connu ou aurait dû connaître les éléments permettant sa demande.