La chambre sociale de la Cour de cassation a opéré, le 10 septembre 2025, un double réalignement attendu en matière de congés payés. D’une part, elle consacre le droit au report des congés payés lorsque un arrêt maladie survient pendant la période de congés, sous réserve de la notification de cet arrêt à l’employeur.
D’autre part, elle décide que, lorsque la durée du travail est décomptée à la semaine, les congés payés sont pris en compte pour déterminer le seuil de déclenchement des heures supplémentaires.
Ces deux solutions, issues de deux arrêts rendus en formation plénière de chambre, tirent explicitement les conséquences du droit de l’Union tel qu’interprété par la Cour de justice.
Pour les employeurs comme pour les salariés, le changement est à la fois pratique et financier. Les procédures internes d’absences doivent être ajustées, les paramétrages GTA et paie revisités, et les contentieux en cours réévalués.
Le droit interne fixe le principe du congé à l’article L. 3141-3 du code du travail. La directive 2003/88/CE, art. 7, et l’article 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne assurent un socle minimal de droit au congé annuel payé. Pendant des années, la jurisprudence nationale a retenu que le salarié tombant malade au cours de ses congés payés ne pouvait exiger un report.
Cette lecture a été progressivement remise en cause à la lumière de la jurisprudence européenne, qui distingue la finalité du congé annuel, dédié au repos et aux loisirs, de celle de l’arrêt maladie, centrée sur la guérison.
En 2025, la Cour de cassation interprète désormais l’article L. 3141-3 à la lumière du droit de l’Union et reconnaît un droit au report des jours de congés payés coïncidant avec une période d’arrêt maladie. Le réalisme de la solution tient à une condition procédurale simple et protectrice des deux parties.
Le principe est clair. Si un salarié est placé en arrêt maladie pendant ses congés payés, les jours chevauchant l’arrêt ne peuvent plus être considérés comme consommés. Ils sont reportés et pourront être pris ultérieurement. Ce mécanisme ne remet pas en cause l’obligation de l’employeur d’autoriser les congés mais en ajuste l’exécution lorsque survient un empêchement légalement protégé.
La Cour assortit ce droit d’une exigence de notification. Le salarié doit informer l’employeur de l’arrêt maladie pour que le report s’opère. Cette exigence s’inscrit dans un objectif de sécurité juridique et de bonne foi. Elle permet à l’employeur d’organiser le service, de tracer l’absence et de procéder aux régularisations de compteurs.
Bonnes pratiques pour sécuriser la notification :
Trois points appellent une vigilance accrue.
L’article L. 3121-28 du code du travail définit l’heure supplémentaire comme celle accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente. Historiquement, la jurisprudence française excluait les jours de congés payés du calcul du seuil de déclenchement des heures supplémentaires, au motif qu’ils ne constituaient pas du temps de travail effectif. Cette exclusion créait un effet financier paradoxal pour le salarié posant des congés au sein d’une semaine comportant des dépassements horaires.
La Cour retient désormais que, pour les salariés soumis à un décompte hebdomadaire de la durée du travail, les jours de congés payés doivent être inclus dans l’assiette permettant d’apprécier si le seuil ouvrant droit à majoration d’heures supplémentaires est atteint. L’argument est double. D’une part, le droit au congé annuel payé est un droit fondamental. D’autre part, toute pratique qui dissuaderait un salarié de prendre ses congés en raison d’un désavantage financier, même différé, est incompatible avec sa finalité.
En pratique, une semaine de 35 heures dont un jour est posé en congé payé ne doit plus être artificiellement « minorée » pour échapper à la majoration. Si le salarié réalise 4 jours à 8 heures et qu’un cinquième jour est en congé payé, les heures accomplies au-delà de 35 heures au cours de la semaine doivent être majorées selon le régime conventionnel applicable.
Pour se conformer à cette lecture, les entreprises devront :
De nombreux accords organisent la répartition du temps de travail et la prise des congés. Si une clause exclut les congés payés du calcul des heures supplémentaires hebdomadaires, elle est désormais susceptible d’être écartée par le juge, dans la mesure nécessaire pour garantir l’effectivité du droit au congé. L’entreprise devra identifier les clauses sensibles et, le cas échéant, ouvrir des négociations d’ajustement.
La condition de notification de l’arrêt pendant les congés place la preuve au cœur du dispositif. Un salarié qui n’établirait pas avoir informé l’employeur pourrait voir son report contesté. À l’inverse, un employeur informé qui ne recrédite pas le compteur ou refuse un report raisonnable s’expose à un rappel de droits et, potentiellement, à des dommages et intérêts.
Les opérations de régularisation, qu’elles portent sur des CP recrédités ou sur des heures supplémentaires majorées, doivent être menées sous l’angle des délais. L’article L. 3245-1 du code du travail gouverne les actions en paiement et en répétition des salaires. En pratique, un audit rapide des situations des trois dernières années est recommandé pour circonscrire l’exposition et sécuriser les écritures de paie.
Semaine décomptée à 35 heures. Le salarié travaille 4 jours à 8 h et pose 1 jour de congé payé. Il effectue par ailleurs 4 h au-delà de son horaire quotidien sur deux jours. Avant le 10 septembre 2025, on raisonnait parfois sur 32 h « effectives » et aucune heure supplémentaire n’était décomptée. Dorénavant, le jour de congé est pris en compte dans l’assiette hebdomadaire. Le seuil de 35 h est atteint. Les 4 h au-delà constituent des heures supplémentaires et appellent la majoration prévue par la loi et la convention collective.
L’alignement de la Cour de cassation sur le droit de l’Union rend la gestion des congés payés plus cohérente avec leur finalité protectrice. Il impose, en contrepartie, une rigueur accrue dans la conduite des absences, la tenue des compteurs et le calcul des heures supplémentaires. Les directions des ressources humaines et les services de paie gagneront à procéder à un diagnostic rapide des pratiques et à opérer les ajustements nécessaires. Les salariés, de leur côté, ont intérêt à respecter scrupuleusement les procédures de notification et à vérifier l’exactitude de leurs bulletins.
En cas de doute sur l’application à votre convention collective ou sur le traitement d’une situation individuelle, un audit social ciblé et un accompagnement contentieux permettront d’éviter des régularisations coûteuses et de consolider vos process internes dans la durée.
Oui. Depuis les arrêts du 10 septembre 2025, les jours de congés qui coïncident avec un arrêt maladie ne sont plus considérés comme consommés. Ils doivent être reportés et pris ultérieurement. La seule condition est la notification de l’arrêt maladie à l’employeur.
Non, dès lors que l’arrêt maladie est régulièrement notifié. En revanche, l’employeur conserve la possibilité de fixer les dates de report en tenant compte des nécessités du service, comme il le ferait pour toute demande de congés. Le refus pur et simple serait contraire au droit.
Lorsque la durée du travail est décomptée à la semaine, les jours de congés payés doivent être intégrés dans l’assiette permettant de déterminer si le seuil de 35 heures est franchi. Ainsi, un salarié ayant travaillé 32 heures et pris 1 jour de congé payé peut déclencher des heures supplémentaires s’il a dépassé la base hebdomadaire.
L’employeur doit :
Les créances de salaires, y compris celles liées aux indemnités de congés payés ou aux heures supplémentaires, sont soumises à la prescription triennale de l’article L. 3245-1 du code du travail. Le salarié dispose donc de trois ans pour agir, à compter du jour où il a connu ou aurait dû connaître les éléments permettant sa demande.