
Lorsqu’un salarié est déclaré inapte à son poste par le médecin du travail, la question du reclassement devient centrale. Beaucoup ignorent pourtant l’étendue des obligations pesant sur l’employeur et les droits qui en découlent. La jurisprudence, notamment plusieurs décisions rendues en 2025, rappelle avec force que le licenciement pour inaptitude n’est licite qu’à la condition que l’employeur ait accompli une démarche de reclassement complète, loyale et conforme aux prescriptions médicales. L’analyse de ces règles est indispensable pour tout salarié se demandant si son employeur a agi dans les règles.
L’obligation de reclassement découle directement des articles L.1226-2-1 (inaptitude non professionnelle) et L.1226-10 à L.1226-12 (inaptitude professionnelle) du Code du travail.
Ces textes imposent à l’employeur, avant toute mesure de licenciement, de rechercher un emploi adapté aux capacités restantes du salarié, en tenant compte de toutes les préconisations du médecin du travail.
L’emploi proposé doit être :
La recherche doit porter sur l’ensemble des postes disponibles dans l’entreprise et, le cas échéant, au sein du groupe auquel elle appartient, dès lors que les activités et l’organisation permettent une permutation.
Cette obligation est plus qu’une simple formalité : c’est une condition préalable et impérative à tout licenciement pour inaptitude.
L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 22 octobre 2025 (n°24-14.641) rappelle un principe déterminant :
lorsqu’un salarié estime que le poste de reclassement proposé n’est pas conforme aux préconisations médicales, il peut légitimement refuser ce poste, à condition d’expliquer en quoi il contrevient à l’avis d’inaptitude.
La Haute juridiction précise que :
alors l’employeur doit impérativement solliciter un nouvel avis du médecin du travail.
Il ne peut pas passer outre et enclencher immédiatement la procédure de licenciement. À défaut, la rupture est irrégulière et peut être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’arrêt du 22 octobre 2025 illustre parfaitement ce point.
L’employeur avait proposé au salarié un poste présenté comme compatible avec les préconisations médicales. Cependant, le descriptif n’avait pas été soumis au médecin du travail. Le salarié, pour sa part, contestait la compatibilité réelle du poste au regard de son inaptitude.
La Cour de cassation confirme la position des juges du fond :
sans validation médicale du contenu exact du poste, l’employeur ne peut considérer son obligation de reclassement comme satisfaite.
Ce principe constitue une garantie essentielle pour le salarié : l’avis du médecin du travail est la pierre angulaire du processus de reclassement et doit être sollicité autant que nécessaire.
En principe, une seule proposition conforme aux préconisations médicales peut suffire pour que l’employeur soit considéré comme ayant rempli son obligation.
Toutefois, la jurisprudence nuance ce principe : si le salarié soulève un doute légitime sur la compatibilité du poste proposé, l’employeur a l’obligation de réexaminer la situation.
Cette exigence protège le salarié contre les propositions approximatives, générales ou imprécises.
En pratique, un poste doit être décrit de manière suffisamment détaillée pour permettre une réelle analyse médicale.
Le salarié peut donc contester en se fondant sur :

Lorsque le reclassement est impossible, ou refusé pour des raisons justifiées, l’employeur peut engager la procédure de licenciement pour inaptitude.
Dans le cadre d’une inaptitude d’origine professionnelle, le salarié bénéficie d’une indemnité spéciale prévue par l’article L.1226-14 du Code du travail. Cette indemnité correspond au montant du préavis légal, même s’il n’est pas exécuté.
Toutefois, la Cour de cassation a rappelé dans un arrêt du 22 octobre 2025 (n°24-17.826) que cette indemnité n’a pas la nature juridique d’un préavis : elle ne prolonge pas le contrat de travail.
L’ancienneté servant au calcul de l’indemnité spéciale est donc arrêtée à la date de notification du licenciement, et non à la durée équivalente au préavis non effectué.
Cette précision, régulièrement méconnue, a des conséquences concrètes sur le calcul des droits du salarié.
Si le salarié estime que :
il peut saisir le conseil de prud’hommes pour contester la rupture.
Le juge vérifiera notamment :
Un manquement à ces règles peut conduire à l’octroi de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’obligation de reclassement en cas d’inaptitude constitue une garantie forte pour le salarié.
Elle impose à l’employeur une démarche réfléchie, documentée et médicalement encadrée.
Les décisions récentes rappellent que l’employeur doit agir avec prudence et précision : aucune approximation n’est tolérée lorsque la santé du salarié est en jeu.
Pour le salarié, ces règles offrent plusieurs leviers pour contrôler la légalité du processus, contester un poste inadapté, exiger un nouvel avis médical ou remettre en cause un licenciement prononcé trop rapidement.
Dans un contexte où les situations d’inaptitude sont de plus en plus fréquentes, comprendre cette obligation est essentiel pour défendre efficacement ses droits.
L’obligation de reclassement impose à l’employeur de rechercher, avant tout licenciement, un poste compatible avec l’état de santé du salarié déclaré inapte par le médecin du travail.
Cette recherche doit respecter les articles L.1226-2-1, L.1226-10 et L.1226-12 du Code du travail.
L’employeur doit explorer toutes les possibilités d’adaptation : aménagement du poste, mutation interne, réduction des gestes contraignants, modification de l’organisation du travail, voire transformation de certaines tâches.
Cette recherche concerne l’ensemble des postes disponibles au sein de l’entreprise et potentiellement du groupe.
Un simple affichage ou une proposition approximative n’est pas suffisant : la recherche doit être réelle, personnalisée et conforme aux préconisations médicales.
Oui, un salarié peut refuser un poste si celui-ci n’est pas conforme aux préconisations médicales.
La jurisprudence du 22 octobre 2025 rappelle que si le salarié soulève un doute sérieux sur la compatibilité du poste proposé avec son avis d’inaptitude, l’employeur doit obligatoirement solliciter un nouvel avis du médecin du travail.
Dans ce cas, l’employeur ne peut pas considérer son obligation comme remplie et ne peut pas engager immédiatement une procédure de licenciement.
Le refus est donc légitime lorsque :
En principe, la loi n’impose pas de multiplier les propositions.
Une seule proposition peut suffire si elle est appropriée, réaliste, compatible avec l’état de santé du salarié et correctement décrite.
Toutefois, si le salarié conteste la proposition ou si le poste proposé n’a pas été validé par le médecin du travail, l’employeur doit réexaminer la situation.
Il doit alors :
Lorsque l’employeur démontre, pièces à l’appui, qu’aucun poste conforme aux préconisations médicales n’existe dans l’entreprise ni dans le groupe, il peut engager un licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Le juge prud’homal vérifiera :
En cas d’inaptitude d’origine professionnelle (accident du travail ou maladie professionnelle), l’article L.1226-14 du Code du travail prévoit une indemnité spéciale équivalente au montant du préavis légal, même si celui-ci n’est pas exécuté.
Cependant, la Cour de cassation a rappelé en 2025 que cette indemnité n’est pas un préavis.
Elle n’a donc aucune incidence sur la durée du contrat :
l’ancienneté prise en compte pour son calcul est arrêtée à la date de notification du licenciement, sans y ajouter le nombre de mois correspondant au préavis théorique.
Cette précision change souvent le montant final, notamment pour les salariés disposant d’une forte ancienneté.