Maladie pendant les congés payés : un nouveau droit au report reconnu par la Cour de cassation

Que retenir sur la maladie pendant les congés payés ?

  • Un salarié qui tombe malade pendant ses congés payés conserve désormais son droit au repos grâce au report des jours coïncidant avec l’arrêt.
  • La Cour de cassation, par un arrêt du 10 septembre 2025, aligne sa jurisprudence sur le droit européen (directive 2003/88/CE).
  • Le report est conditionné à la notification de l’arrêt maladie à l’employeur dans les délais légaux.
  • Le salarié cumule l’indemnité de congés payés et les indemnités journalières de sécurité sociale, sauf dispositions conventionnelles plus favorables.
  • Les employeurs doivent adapter leurs procédures RH pour intégrer cette règle et éviter les risques contentieux prud’homaux.

La maladie pendant les congés payés est une question sensible en droit du travail, qui a longtemps donné lieu à une jurisprudence française restrictive, contraire aux exigences du droit de l’Union européenne.

Par un arrêt majeur rendu le 10 septembre 2025 (Cass. soc., 10-9-2025, n° 23-22.732 FP-BR, publié au Bulletin), la Cour de cassation opère un revirement attendu : le salarié placé en arrêt maladie au cours de ses congés payés bénéficie du report des jours de congé coïncidant avec son incapacité de travail, sous réserve que l’arrêt ait été notifié à l’employeur.

Ce changement, conforme à l’article 7 de la directive 2003/88/CE, impose aux employeurs d’adapter leurs pratiques de gestion des congés.

La maladie pendant les congés payés : une jurisprudence française longtemps défavorable au salarié

La position traditionnelle de la Cour de cassation

Depuis un arrêt du 4 décembre 1996 (Cass. soc., 4-12-1996, n° 93-44.907), la Cour de cassation refusait le report des congés payés en cas de maladie survenant pendant leur exécution.

L’argumentation reposait sur deux éléments :

  • le contrat de travail était déjà suspendu par l’effet des congés payés ;
  • la maladie ne créait pas une nouvelle suspension distincte, mais se superposait à celle déjà en cours.

En pratique, le salarié :

  • conservait son indemnité de congés payés ;
  • percevait éventuellement les indemnités journalières de sécurité sociale (Cass. soc., 26-11-1964, n° 64-40.165) ;
  • ne bénéficiait d’aucun report de ses congés.

La nuance en cas de maladie avant le départ en congés

En revanche, lorsque la maladie survenait avant la date de début des congés, la Cour admettait le report (Cass. soc., 16-2-1999, n° 96-45.364). La logique tenait à ce que le contrat n’était pas encore suspendu pour congé payé, et la première cause de suspension (la maladie) primait.

Une situation critiquée et génératrice d’insécurité

Cette jurisprudence était critiquée, car elle vidait de sa substance le droit au repos garanti par l’article L. 3141-3 du Code du travail. Le salarié malade pendant ses vacances se trouvait privé de la possibilité de profiter d’un véritable temps de repos.

Le droit européen : une protection accrue du salarié malade pendant ses congés payés

Le principe posé par la CJUE

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a consacré le caractère fondamental du droit au congé annuel payé, affirmant qu’il ne peut être affecté par un arrêt maladie.

  • CJUE, 20 janvier 2009, Schultz-Hoff, aff. C-350/06 et C-520/06 : le congé annuel payé vise le repos et les loisirs, finalité distincte du congé maladie, qui vise le rétablissement.
  • CJUE, 21 juin 2012, ANGED, aff. C-78/11 : le salarié malade pendant ses congés doit pouvoir bénéficier ultérieurement des jours de repos non consommés.

La mise en demeure de la France

En juin 2025, la Commission européenne a mis en demeure la France de mettre sa jurisprudence en conformité avec le droit de l’Union, considérant que la position française constituait un manquement aux règles sur le temps de travail.

L’arrêt du 10 septembre 2025 : la consécration du droit au report des congés payés

Le principe dégagé par la Cour de cassation

Dans son arrêt de principe, la Cour juge :

« Il résulte de l’article L. 3141-3 du Code du travail, interprété à la lumière de l’article 7 §1 de la directive 2003/88/CE, que le salarié en situation d’arrêt de travail pour cause de maladie survenue durant la période de congé annuel payé a le droit de bénéficier ultérieurement des jours de congés payés coïncidant avec l’arrêt de travail, dès lors que cet arrêt est notifié à l’employeur. »

Les conditions pratiques de mise en œuvre

  • Notification obligatoire : l’arrêt de travail doit être transmis à l’employeur dans les 48 heures (C. séc. soc., art. R. 321-2).
  • Report dans la période de référence : en cas de chevauchement, application des règles de report de la loi du 22 avril 2024.
  • Nature des droits : le salarié conserve son indemnité de congés payés déjà versée ; il perçoit parallèlement les indemnités journalières de sécurité sociale.

Les incidences financières

Le salarié peut cumuler :

  • indemnité de congés payés (C. trav., art. L. 3141-24) ;
  • indemnités journalières de sécurité sociale.

L’employeur n’est pas tenu de verser un complément maladie, sauf disposition conventionnelle plus favorable (Cass. soc., 2-3-1989, n° 86-42.426).

Les conséquences pratiques pour les employeurs

Les erreurs à éviter

  • Considérer les congés comme consommés malgré un arrêt notifié.
  • Ne pas mettre à jour les compteurs de congés.
  • Négliger la communication aux salariés sur leur droit au report.

Les bonnes pratiques à adopter

  • Mettre en place une procédure interne claire pour gérer les arrêts survenant pendant les congés.
  • Former les équipes RH à la mise en œuvre du report.
  • Vérifier les accords collectifs et conventions applicables.
  • Intégrer la nouvelle règle dans les logiciels de paie et de gestion des congés.

Les risques contentieux

Ignorer ce droit expose l’employeur à :

  • des réclamations prud’homales pour restitution de jours de congés ;
  • une condamnation pour non-respect des obligations légales ;
  • un risque d’atteinte à l’image sociale de l’entreprise.

Maladie pendant les congés payés : que doivent retenir employeurs et salariés ?

  • Le salarié malade pendant ses congés payés a désormais droit au report des jours de repos, sous réserve de notification.
  • Ce droit s’applique en vertu de l’article L. 3141-3 du Code du travail, interprété à la lumière du droit de l’Union (directive 2003/88/CE).
  • L’employeur doit adapter ses pratiques RH pour sécuriser la gestion des congés.
  • Le salarié conserve son indemnité de congé payé et peut cumuler avec les IJSS.
  • En cas de litige, le salarié peut obtenir en justice la restitution de ses jours de congé.

Le traitement de la maladie pendant les congés payés marque une évolution décisive en droit du travail français. Ce revirement, attendu depuis plusieurs années, replace la France en conformité avec le droit de l’Union européenne.

Il impose aux employeurs d’adopter une gestion rigoureuse des congés et des arrêts maladie, afin de garantir les droits des salariés et de prévenir tout risque contentieux. Pour les salariés, il consacre un droit effectif à un véritable repos, distinct de la période de maladie.

FAQ sur la maladie pendant les congés payés

Un salarié en arrêt maladie pendant ses congés payés perd-il ses jours de repos ?

Non. Depuis l’arrêt de la Cour de cassation du 10 septembre 2025 (Cass. soc., 10-9-2025, n° 23-22.732 FP-BR), le salarié qui tombe malade pendant ses congés payés a désormais le droit de reporter les jours de congé coïncidant avec son arrêt de travail, à condition d’avoir notifié cet arrêt à son employeur.

Jusqu’à ce revirement, la jurisprudence française refusait ce report, estimant que l’employeur avait rempli son obligation en accordant les congés. Cette position était critiquée car elle privait le salarié de la finalité du congé annuel payé à savoir le repos et les loisirs alors que la maladie poursuit une finalité différente, celle du rétablissement.

Le droit de l’Union européenne, et en particulier l’article 7 §1 de la directive 2003/88/CE, impose que le salarié conserve son droit au congé annuel en cas d’incapacité de travail survenant pendant ses vacances. La Cour de cassation s’aligne enfin sur ce principe, garantissant ainsi une meilleure protection des droits des travailleurs.

Quelles conditions un salarié doit-il remplir pour bénéficier du report de ses congés payés en cas de maladie ?

Le salarié doit respecter certaines obligations :

  • Notifier son arrêt de travail à l’employeur dans les délais prévus (article R. 321-2 du Code de la sécurité sociale impose une transmission sous 48 heures).
  • Fournir un justificatif médical attestant de son incapacité de travail couvrant tout ou partie de la période de congé.
  • Demander le report des jours de congé perdus.

Il est important de souligner que le salarié ne peut pas, de sa seule initiative, prolonger ses congés après sa guérison. Le report doit s’effectuer conformément aux règles de l’entreprise et, le cas échéant, aux dispositions conventionnelles.

Enfin, en cas de chevauchement avec la fin de la période de référence des congés, les règles de report issues de la loi du 22 avril 2024 s’appliquent, permettant d’organiser le décalage des congés dans des conditions déterminées.

Quelles conséquences financières pour l’employeur en cas de maladie pendant les congés payés ?

L’employeur reste tenu de verser au salarié l’indemnité de congé payé, calculée selon l’article L. 3141-24 du Code du travail (règle du dixième ou maintien du salaire, selon la formule la plus favorable).

Le salarié perçoit également, le cas échéant, les indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS) liées à son arrêt maladie. En revanche, l’employeur n’est pas tenu de verser une indemnité complémentaire de maladie, sauf disposition conventionnelle plus favorable (Cass. soc., 2-3-1989, n° 86-42.426).

Il peut donc exister une situation où le salarié cumule :

  • son indemnité de congés payés ;
  • ses IJSS.

Cela peut paraître surprenant, mais ce cumul découle de la distinction entre la finalité du congé payé (repos) et celle de l’arrêt maladie (rétablissement).

Comment les employeurs doivent-ils gérer administrativement les congés reportés en cas de maladie ?

Les entreprises doivent adapter leurs pratiques afin d’éviter tout litige :

  • Procédure interne : mettre en place une règle claire permettant aux salariés de déclarer un arrêt maladie survenant pendant leurs congés.
  • Mise à jour des compteurs de congés : les jours coïncidant avec l’arrêt ne sont plus considérés comme consommés et doivent être re-crédités.
  • Information du salarié : rappeler par écrit les conditions de report (délai, période de prise, articulation avec la fin de la période de référence).
  • Gestion de la paie : vérifier les cumuls éventuels (indemnité congés payés + IJSS) et s’assurer du respect des règles conventionnelles.

Un employeur qui persisterait à considérer les congés comme perdus malgré un arrêt notifié s’expose à un contentieux prud’homal. Les juges accorderaient alors au salarié le bénéfice du report, en application de l’article L. 3141-3 du Code du travail, interprété à la lumière du droit européen.

Que doivent retenir salariés et employeurs de ce revirement sur la maladie pendant les congés payés ?

Pour les salariés, il s’agit d’une avancée majeure :

  • les congés ne sont plus perdus en cas de maladie pendant la période de repos ;
  • le salarié conserve son droit effectif à bénéficier d’un temps de repos réel ;
  • il doit cependant notifier son arrêt et suivre la procédure légale.

Pour les employeurs, cela implique :

  • une vigilance accrue dans la gestion des congés et des arrêts maladie ;
  • une adaptation des procédures RH afin de sécuriser le suivi des compteurs de congés ;
  • l’anticipation de situations complexes, notamment en cas de chevauchement avec la fin de la période de référence.

En définitive, cette évolution replace le droit français en conformité avec le droit de l’Union et clarifie une zone d’incertitude. Elle rappelle que le congé payé est un droit fondamental, distinct de la maladie, et qu’il doit être pleinement effectif pour garantir la santé et la sécurité du travailleur.

Comment reporter des congés payés en cas de maladie ?

Le salarié doit transmettre son arrêt maladie à l’employeur dans les délais légaux (48h). Les jours de congés payés coïncidant avec l’arrêt sont alors considérés comme non pris et peuvent être reportés. Ce droit au report s’exerce dans la limite d’une période de 15 mois, fixée par la loi du 22 avril 2024, à compter de la fin de la période de référence des congés. L’employeur doit donc prendre en compte la date de mise en arrêt pour ajuster le compteur de congés et informer le salarié de la nouvelle période de prise.

Quelles sont les nouvelles règles sur les congés payés ?

Les nouvelles règles résultent à la fois de la loi du 22 avril 2024 et de l’arrêt de la Cour de cassation du 10 septembre 2025, qui s’aligne sur le droit européen. Le salarié peut reporter ses congés lorsqu’ils coïncident avec un arrêt maladie, y compris si la maladie survient pendant les vacances. La période de report est désormais encadrée : les congés peuvent être pris dans un délai maximum de 15 mois. La jurisprudence européenne a inspiré cette évolution, et le Code du travail doit être interprété à la lumière de cette nouvelle ligne jurisprudentielle.

Comment fonctionne l’indemnisation en cas de maladie ?

En cas d’arrêt maladie, le salarié perçoit les indemnités journalières de la sécurité sociale, calculées sur la base de son salaire. Il conserve parallèlement son indemnité compensatrice de congés payés, même si son congé est reporté. En revanche, sauf disposition conventionnelle plus favorable, l’employeur n’est pas tenu de verser une indemnité complémentaire. Cette règle vaut aussi bien pour une maladie simple que pour un travail interrompu à cause d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. L’articulation entre indemnisation maladie et droit aux congés payés doit donc être suivie attentivement par les employeurs.