La maladie pendant les congés payés est une question sensible en droit du travail, qui a longtemps donné lieu à une jurisprudence française restrictive, contraire aux exigences du droit de l’Union européenne.
Par un arrêt majeur rendu le 10 septembre 2025 (Cass. soc., 10-9-2025, n° 23-22.732 FP-BR, publié au Bulletin), la Cour de cassation opère un revirement attendu : le salarié placé en arrêt maladie au cours de ses congés payés bénéficie du report des jours de congé coïncidant avec son incapacité de travail, sous réserve que l’arrêt ait été notifié à l’employeur.
Ce changement, conforme à l’article 7 de la directive 2003/88/CE, impose aux employeurs d’adapter leurs pratiques de gestion des congés.
Depuis un arrêt du 4 décembre 1996 (Cass. soc., 4-12-1996, n° 93-44.907), la Cour de cassation refusait le report des congés payés en cas de maladie survenant pendant leur exécution.
L’argumentation reposait sur deux éléments :
En pratique, le salarié :
En revanche, lorsque la maladie survenait avant la date de début des congés, la Cour admettait le report (Cass. soc., 16-2-1999, n° 96-45.364). La logique tenait à ce que le contrat n’était pas encore suspendu pour congé payé, et la première cause de suspension (la maladie) primait.
Cette jurisprudence était critiquée, car elle vidait de sa substance le droit au repos garanti par l’article L. 3141-3 du Code du travail. Le salarié malade pendant ses vacances se trouvait privé de la possibilité de profiter d’un véritable temps de repos.
La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a consacré le caractère fondamental du droit au congé annuel payé, affirmant qu’il ne peut être affecté par un arrêt maladie.
En juin 2025, la Commission européenne a mis en demeure la France de mettre sa jurisprudence en conformité avec le droit de l’Union, considérant que la position française constituait un manquement aux règles sur le temps de travail.
Dans son arrêt de principe, la Cour juge :
« Il résulte de l’article L. 3141-3 du Code du travail, interprété à la lumière de l’article 7 §1 de la directive 2003/88/CE, que le salarié en situation d’arrêt de travail pour cause de maladie survenue durant la période de congé annuel payé a le droit de bénéficier ultérieurement des jours de congés payés coïncidant avec l’arrêt de travail, dès lors que cet arrêt est notifié à l’employeur. »
Le salarié peut cumuler :
L’employeur n’est pas tenu de verser un complément maladie, sauf disposition conventionnelle plus favorable (Cass. soc., 2-3-1989, n° 86-42.426).
Ignorer ce droit expose l’employeur à :
Le traitement de la maladie pendant les congés payés marque une évolution décisive en droit du travail français. Ce revirement, attendu depuis plusieurs années, replace la France en conformité avec le droit de l’Union européenne.
Il impose aux employeurs d’adopter une gestion rigoureuse des congés et des arrêts maladie, afin de garantir les droits des salariés et de prévenir tout risque contentieux. Pour les salariés, il consacre un droit effectif à un véritable repos, distinct de la période de maladie.
Non. Depuis l’arrêt de la Cour de cassation du 10 septembre 2025 (Cass. soc., 10-9-2025, n° 23-22.732 FP-BR), le salarié qui tombe malade pendant ses congés payés a désormais le droit de reporter les jours de congé coïncidant avec son arrêt de travail, à condition d’avoir notifié cet arrêt à son employeur.
Jusqu’à ce revirement, la jurisprudence française refusait ce report, estimant que l’employeur avait rempli son obligation en accordant les congés. Cette position était critiquée car elle privait le salarié de la finalité du congé annuel payé à savoir le repos et les loisirs alors que la maladie poursuit une finalité différente, celle du rétablissement.
Le droit de l’Union européenne, et en particulier l’article 7 §1 de la directive 2003/88/CE, impose que le salarié conserve son droit au congé annuel en cas d’incapacité de travail survenant pendant ses vacances. La Cour de cassation s’aligne enfin sur ce principe, garantissant ainsi une meilleure protection des droits des travailleurs.
Le salarié doit respecter certaines obligations :
Il est important de souligner que le salarié ne peut pas, de sa seule initiative, prolonger ses congés après sa guérison. Le report doit s’effectuer conformément aux règles de l’entreprise et, le cas échéant, aux dispositions conventionnelles.
Enfin, en cas de chevauchement avec la fin de la période de référence des congés, les règles de report issues de la loi du 22 avril 2024 s’appliquent, permettant d’organiser le décalage des congés dans des conditions déterminées.
L’employeur reste tenu de verser au salarié l’indemnité de congé payé, calculée selon l’article L. 3141-24 du Code du travail (règle du dixième ou maintien du salaire, selon la formule la plus favorable).
Le salarié perçoit également, le cas échéant, les indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS) liées à son arrêt maladie. En revanche, l’employeur n’est pas tenu de verser une indemnité complémentaire de maladie, sauf disposition conventionnelle plus favorable (Cass. soc., 2-3-1989, n° 86-42.426).
Il peut donc exister une situation où le salarié cumule :
Cela peut paraître surprenant, mais ce cumul découle de la distinction entre la finalité du congé payé (repos) et celle de l’arrêt maladie (rétablissement).
Les entreprises doivent adapter leurs pratiques afin d’éviter tout litige :
Un employeur qui persisterait à considérer les congés comme perdus malgré un arrêt notifié s’expose à un contentieux prud’homal. Les juges accorderaient alors au salarié le bénéfice du report, en application de l’article L. 3141-3 du Code du travail, interprété à la lumière du droit européen.
Pour les salariés, il s’agit d’une avancée majeure :
Pour les employeurs, cela implique :
En définitive, cette évolution replace le droit français en conformité avec le droit de l’Union et clarifie une zone d’incertitude. Elle rappelle que le congé payé est un droit fondamental, distinct de la maladie, et qu’il doit être pleinement effectif pour garantir la santé et la sécurité du travailleur.
Le salarié doit transmettre son arrêt maladie à l’employeur dans les délais légaux (48h). Les jours de congés payés coïncidant avec l’arrêt sont alors considérés comme non pris et peuvent être reportés. Ce droit au report s’exerce dans la limite d’une période de 15 mois, fixée par la loi du 22 avril 2024, à compter de la fin de la période de référence des congés. L’employeur doit donc prendre en compte la date de mise en arrêt pour ajuster le compteur de congés et informer le salarié de la nouvelle période de prise.
Les nouvelles règles résultent à la fois de la loi du 22 avril 2024 et de l’arrêt de la Cour de cassation du 10 septembre 2025, qui s’aligne sur le droit européen. Le salarié peut reporter ses congés lorsqu’ils coïncident avec un arrêt maladie, y compris si la maladie survient pendant les vacances. La période de report est désormais encadrée : les congés peuvent être pris dans un délai maximum de 15 mois. La jurisprudence européenne a inspiré cette évolution, et le Code du travail doit être interprété à la lumière de cette nouvelle ligne jurisprudentielle.
En cas d’arrêt maladie, le salarié perçoit les indemnités journalières de la sécurité sociale, calculées sur la base de son salaire. Il conserve parallèlement son indemnité compensatrice de congés payés, même si son congé est reporté. En revanche, sauf disposition conventionnelle plus favorable, l’employeur n’est pas tenu de verser une indemnité complémentaire. Cette règle vaut aussi bien pour une maladie simple que pour un travail interrompu à cause d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. L’articulation entre indemnisation maladie et droit aux congés payés doit donc être suivie attentivement par les employeurs.