Refus de CDI après un CDD : quelles conséquences sur le droit au chômage ?

Refus de CDI après un CDD : ce qu’il faut retenir

Le refus d’un CDI après un CDD n’est plus sans conséquence depuis la loi du 21 décembre 2022 et la décision du Conseil d’État du 18 juillet 2025. Voici l’essentiel à retenir :

  • Après un CDD ou une mission d’intérim, l’employeur peut proposer un CDI identique ou similaire en termes de poste, rémunération, classification et lieu de travail.
  • Le salarié dispose d’un délai de réflexion raisonnable ; l’absence de réponse vaut refus.
  • Deux refus de CDI en 12 mois peuvent entraîner la perte du droit à l’allocation chômage (art. L. 5422-1 du Code du travail).
  • L’employeur doit notifier le refus à France Travail et justifier du caractère similaire de l’emploi proposé.
  • Le salarié peut contester l’exclusion des droits en apportant la preuve que la proposition ne respectait pas les conditions légales ou son projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE).

La réforme du marché du travail adoptée par la loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 a profondément modifié le régime applicable aux salariés en contrat à durée déterminée (CDD) ou en mission d’intérim qui se voient proposer un contrat à durée indéterminée (CDI) à l’issue de leur engagement. L’objectif affiché par le législateur était clair : favoriser l’emploi durable en incitant les salariés à accepter un CDI lorsque l’employeur le leur propose dans des conditions similaires.

Désormais, le salarié qui refuse à deux reprises une telle proposition de CDI peut être exclu du bénéfice de l’allocation d’assurance chômage. Ce mécanisme, validé par le Conseil d’État dans sa décision du 18 juillet 2025 (CE, 18 juill. 2025, n° 492244), suscite de nombreuses interrogations pratiques et juridiques.

Il importe donc d’examiner précisément le dispositif légal, les conditions de sa mise en œuvre et les conséquences pour les salariés comme pour les employeurs.

Le cadre légal du refus de CDI après un CDD

Les dispositions issues de la loi marché du travail

L’article L. 1243-11-1 du Code du travail, introduit par la loi précitée, impose à l’employeur qui souhaite prolonger la relation contractuelle après un CDD de notifier par écrit au salarié une proposition de CDI. Cette offre doit porter sur :

  • le même emploi ou un emploi similaire ;
  • une rémunération au moins équivalente ;
  • une durée de travail identique ;
  • une classification professionnelle équivalente ;
  • un lieu de travail inchangé.

Un délai de réflexion « raisonnable » doit être laissé au salarié. L’absence de réponse dans ce délai vaut refus.

Le texte prévoit en outre que l’employeur doit informer France Travail (anciennement Pôle emploi) du refus, en justifiant du caractère similaire de l’emploi proposé (C. trav., art. R. 1243-2 issu du décret n° 2023-1307 du 28 déc. 2023).

Des règles analogues s’appliquent en matière de travail temporaire (C. trav., art. L. 1251-33-1), bien que l’exigence d’équivalence de rémunération et de durée de travail ne soit pas expressément prévue.

L’articulation avec le droit aux allocations chômage

L’article L. 5422-1, I du Code du travail dispose désormais que :

« S’il est constaté qu’un demandeur d’emploi a refusé à deux reprises, au cours des douze mois précédents, une proposition de contrat de travail à durée indéterminée dans les conditions prévues aux articles L. 1243-11-1 et L. 1251-33-1, le bénéfice de l’allocation d’assurance ne peut lui être ouvert. »

Le texte précise que cette exclusion ne s’applique pas lorsque la dernière proposition n’était pas conforme au projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE).

Le contrôle du Conseil d’État sur la validité du dispositif

Les recours syndicaux

Plusieurs organisations syndicales (FO, CGT, Solidaires, FSU) ont saisi le Conseil d’État afin d’obtenir l’annulation du décret du 28 décembre 2023 et de l’arrêté du 3 janvier 2024, arguant d’une atteinte :

  • au droit à l’assurance chômage (discrimination dans l’accès aux droits) ;
  • à l’interdiction du travail forcé (Convention européenne des droits de l’homme, Convention OIT n° 29).

Selon elles, le salarié placé devant une telle alternative subirait une pression assimilable à une contrainte à accepter un CDI, au risque de se voir priver de ressources.

La position du Conseil d’État

Dans sa décision du 18 juillet 2025, le Conseil d’État a rejeté ces arguments. La Haute Juridiction a rappelé que :

  • l’obligation d’information pesant sur l’employeur n’a pas en elle-même d’effet direct sur les droits du salarié, mais constitue une simple formalité de notification à France Travail ;
  • le refus répété d’un CDI, dès lors qu’il répond aux critères légaux (emploi similaire, conditions équivalentes), peut légitimement entraîner une restriction du droit à l’allocation chômage, sans porter atteinte aux principes de non-discrimination ni d’interdiction du travail forcé ;
  • le salarié conserve la possibilité de contester, devant France Travail puis devant le juge, le bien-fondé de la décision d’exclusion des allocations.

Ainsi, le dispositif légal et réglementaire est désormais pleinement validé.

Les conséquences pratiques pour les salariés

Les situations dans lesquelles la sanction s’applique

Le salarié en CDD ou en intérim peut se voir refuser l’ouverture des droits au chômage s’il a rejeté deux propositions de CDI remplissant toutes les conditions suivantes :

  • emploi identique ou similaire à celui occupé ;
  • rémunération et classification équivalentes ;
  • durée de travail équivalente ;
  • lieu de travail identique ou très proche.

Il est donc essentiel, pour le salarié, de bien analyser chaque proposition et d’évaluer si elle correspond réellement aux critères fixés par la loi.

Les exceptions possibles

La sanction n’est pas automatique dans certaines hypothèses :

  • si la proposition de CDI ne respecte pas les conditions légales (par exemple, une baisse de rémunération ou un changement de lieu de travail important) ;
  • si la proposition n’est pas conforme au PPAE déjà validé avec France Travail ;
  • si le refus repose sur un motif légitime (raisons de santé, contraintes familiales, mobilité impossible).

En cas de litige, il appartiendra au salarié de démontrer la légitimité de son refus.

Le droit de recours du salarié

Le salarié conserve la possibilité de :

  • transmettre directement à France Travail les éléments justifiant son refus ;
  • contester devant l’opérateur la décision d’exclusion du bénéfice de l’assurance chômage (C. trav., art. L. 5422-4) ;
  • saisir le juge administratif en cas de désaccord persistant.

Les implications pour les employeurs

Une nouvelle obligation de notification

L’employeur doit :

  • notifier par écrit la proposition de CDI ;
  • accorder un délai de réflexion raisonnable ;
  • préciser qu’une absence de réponse vaut refus ;
  • informer France Travail du refus exprès ou tacite du salarié ;
  • justifier du caractère similaire de l’emploi proposé.

Le défaut de respect de ces formalités pourrait affaiblir la portée du refus et compromettre la possibilité pour France Travail d’exclure le salarié de ses droits.

Un rôle accru dans la sécurisation des procédures

En pratique, l’employeur doit veiller à conserver :

  • la copie de la proposition écrite ;
  • la preuve de sa remise au salarié ;
  • la preuve de l’information transmise à France Travail.

Cette traçabilité permettra d’éviter tout contentieux ultérieur.

Analyse critique du dispositif

À titre personnel, je constate que ce mécanisme poursuit un double objectif : inciter à l’acceptation du CDI et limiter les situations de chômage volontaire. Néanmoins, il suscite plusieurs interrogations :

  • La liberté contractuelle : le salarié est-il encore réellement libre de refuser un CDI si ce refus peut lui coûter l’accès au chômage ?
  • La proportionnalité de la sanction : deux refus en douze mois suffisent pour une exclusion totale, ce qui peut paraître excessif dans certaines situations.
  • L’équilibre des forces : le salarié en fin de CDD est souvent en position de vulnérabilité face à une proposition de CDI.

La jurisprudence à venir précisera les contours de ce dispositif, notamment sur la notion d’« emploi similaire » et sur l’appréciation des motifs légitimes de refus.

Le refus de CDI après un CDD n’est plus une décision neutre : il peut désormais entraîner la perte du droit aux allocations chômage, dès lors que deux propositions similaires ont été déclinées dans un délai de douze mois. Le Conseil d’État a validé ce dispositif en estimant qu’il respectait les engagements internationaux de la France et ne portait pas atteinte aux droits fondamentaux des salariés.

Employeurs comme salariés doivent être attentifs au respect des conditions légales et à la bonne traçabilité des démarches. Si la philosophie du texte est de favoriser l’emploi durable, sa mise en pratique nécessitera un équilibre fin entre incitation et protection.

Puis-je refuser un CDI après un CDD sans perdre mes droits au chômage ?

Oui, mais seulement une fois. Le refus d’un CDI proposé dans les conditions légales ne fait perdre le droit au chômage qu’après deux refus en 12 mois.

Qu’est-ce qu’un emploi similaire en cas de proposition de CDI ?

C’est un poste correspondant à celui occupé en CDD : mêmes missions ou missions proches, rémunération équivalente, durée de travail identique, même classification et même lieu de travail.

Combien de temps dure le délai de réflexion accordé au salarié ?

Le texte prévoit un délai raisonnable. Sa durée n’est pas fixée par la loi mais doit permettre au salarié de prendre une décision éclairée. En pratique, quelques jours suffisent.

L’employeur est-il obligé de prévenir France Travail en cas de refus ?

Oui. Selon les articles L. 1243-11-1 et L. 1251-33-1 du Code du travail, l’employeur ou l’entreprise utilisatrice doit notifier le refus à France Travail et justifier de la similitude de l’emploi proposé.

Quels recours pour le salarié en cas de contestation ?

Le salarié peut :

  • présenter ses arguments directement à France Travail,
  • contester la décision de refus d’indemnisation,
  • saisir le juge administratif s’il estime que les conditions légales n’ont pas été respectées.