Lorsqu’un ancien auto-entrepreneur est embauché en contrat de travail, l’employeur ne peut pas systématiquement lui imposer une période d’essai. La jurisprudence récente, et notamment l’arrêt de la Cour de cassation du 29 avril 2025 (n° 23-22.389), rappelle que l’employeur ne peut prévoir une telle clause que s’il n’a pas déjà eu l’occasion d’évaluer les compétences du salarié dans les mêmes fonctions. Cette exigence vise à prévenir les abus et à garantir la sécurité juridique de la relation de travail.
À retenir :
Lorsqu’un salarié est embauché à l’issue d’une collaboration en tant qu’indépendant, la question de la validité de la période d’essai se pose avec acuité. Un récent arrêt de la Cour de cassation du 29 avril 2025 (n°23-22.389) apporte un éclairage essentiel à cet égard. Il rappelle que la clause de période d’essai ne peut être utilisée à contre-emploi et doit répondre strictement à sa finalité, telle que définie par le Code du travail.
L’article L. 1221-20 du Code du travail précise que :
« La période d’essai permet à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent. »
Autrement dit, cette période constitue un temps d’évaluation réciproque. Elle ne saurait être détournée de sa finalité ni employée pour contourner les garanties attachées à un licenciement. Elle suppose que l’employeur ne dispose pas déjà d’éléments probants sur les compétences professionnelles de l’intéressé.
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La jurisprudence constante impose que la période d’essai ne soit valable que si l’employeur n’a pas déjà eu l’occasion d’évaluer les compétences du salarié dans les fonctions concernées. Peu importe que cette évaluation ait eu lieu dans le cadre d’un contrat de travail antérieur ou d’une autre forme de collaboration, y compris sous statut indépendant.
Nombre d’entreprises recourent à des prestataires sous le statut d’auto-entrepreneur, notamment dans les secteurs commerciaux, informatiques ou du conseil. Or, si cette relation prend fin pour évoluer vers une embauche sous contrat de travail, l’expérience passée ne peut être occultée.
Dans l’affaire ayant conduit à l’arrêt du 29 avril 2025, une salariée avait exercé pendant 9 mois en tant qu’agent commercial indépendant. Elle avait ensuite été recrutée comme « agenceuse-vendeuse » par la même société, avec une période d’essai de deux mois. Cette période a été rompue unilatéralement par l’employeur.
La salariée a saisi la juridiction prud’homale pour obtenir la nullité de cette période d’essai, arguant que l’employeur avait déjà eu le loisir d’apprécier ses capacités professionnelles.
La Cour d’appel de Pau avait rejeté cette demande, au motif que la salariée n’était pas liée précédemment par un contrat de travail. Ce raisonnement, centré exclusivement sur la nature contractuelle de la relation, a été censuré par la Cour de cassation.
Dans son arrêt, la Haute juridiction rappelle que la validité d’une période d’essai dépend non pas uniquement de l’existence d’un contrat de travail antérieur, mais bien de la possibilité effective pour l’employeur d’avoir apprécié les compétences du salarié, « quelle qu’en soit la forme ».
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Ce raisonnement s’inscrit dans la continuité d’une jurisprudence bien établie. La Cour de cassation avait déjà jugé, dans un arrêt du 21 janvier 2015 (n°13-21.875), que lorsqu’une salariée avait exercé les mêmes fonctions pendant sept années en tant qu’agent commercial, l’employeur ne pouvait valablement prévoir une période d’essai au moment de son embauche comme VRP.
Ainsi, c’est bien l’exercice effectif de fonctions identiques ou similaires, permettant une évaluation des aptitudes professionnelles, qui prime sur la qualification juridique de la relation passée.
Cette approche vise à prévenir les abus potentiels liés à une utilisation stratégique de la période d’essai. L’employeur ne peut rompre impunément une collaboration professionnelle simplement en changeant de cadre contractuel, sans assumer les conséquences juridiques liées à une véritable rupture du contrat de travail.
Avant d’insérer une clause de période d’essai dans un contrat de travail, il est impératif de se poser les questions suivantes :
En cas de réponse affirmative à ces interrogations, la stipulation d’une période d’essai pourrait être jugée invalide.
Si la clause est annulée, la rupture intervenue pendant l’essai est requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse. L’employeur peut alors être condamné au versement :
Le risque financier est donc significatif, sans compter l’atteinte possible à l’image de l’entreprise en cas de contentieux médiatisé.
L’arrêt du 29 avril 2025 confirme une tendance jurisprudentielle nette : la clause de période d’essai est strictement encadrée et ne peut être utilisée pour contourner les obligations protectrices du droit du travail. Les employeurs doivent s’assurer qu’ils n’ont pas déjà évalué les aptitudes du salarié, même en dehors d’un contrat de travail formel. À défaut, toute rupture en période d’essai pourrait être requalifiée et lourdement sanctionnée.