L'importance de la précision dans l'offre de reclassement préalable au licenciement économique

Le licenciement pour motif économique est strictement encadré par le Code du travail. Parmi les obligations de l'employeur figure celle de proposer au salarié des offres de reclassement précises et conformes aux dispositions légales. Un arrêt récent de la Cour de cassation, rendu le 23 octobre 2024 (n° 23-19.629), vient rappeler avec force cette exigence.

Le contexte juridique du reclassement économique

Avant de procéder à un licenciement pour motif économique, l'employeur doit, conformément à l'article L. 1233-4 du Code du travail, mettre en œuvre tous les efforts de formation et d'adaptation et proposer au salarié des offres de reclassement sur des postes disponibles au sein de l'entreprise ou du groupe.

Ces offres doivent être écrites et précises. L'article D. 1233-2-1 du Code du travail précise les mentions obligatoires que doit comporter chaque offre :

  • L'intitulé du poste et son descriptif
  • Le nom de l'employeur
  • La nature du contrat de travail
  • La localisation du poste
  • Le niveau de rémunération
  • La classification du poste

L'objectif est de permettre au salarié d'apprécier en toute connaissance de cause les caractéristiques des postes proposés et de se prononcer valablement. Des questions sur ce type de procédure ? Afin d'éviter des erreurs complexes, consultez un avocat en droit du travail à Versailles.

Les faits de l'affaire

Mme [D], salariée depuis 1986 en qualité de vendeuse spécialisée au sein de la société Orthograu Technologies, a été informée en juillet 2019 d'une réorganisation de l'entreprise en vue de sauvegarder sa compétitivité. L'employeur lui a alors adressé une offre de reclassement.

Contenu de l'offre de reclassement

L'offre se limitait à proposer "un poste de magasinière à [Localité 3] (12) avec reprise de votre ancienneté et au même niveau de rémunération". Aucune autre précision n'était apportée.

Refus de la salariée et procédure de licenciement

Estimant l'offre insuffisante, Mme [D] a refusé le poste et a adhéré au Contrat de Sécurisation Professionnelle (CSP). Par la suite, elle a contesté le bien-fondé de son licenciement pour motif économique devant les juridictions prud'homales.

La décision de la Cour d'appel

La Cour d'appel de Pau a donné raison à la salariée en jugeant que l'offre de reclassement était imprécise et que, par conséquent, l'employeur avait manqué à son obligation de reclassement. Les juges ont relevé l'absence de plusieurs mentions obligatoires, notamment :

  • Le nom de l'employeur
  • La classification du poste
  • La nature exacte du contrat de travail
  • L'adresse précise de l'entreprise
  • L'activité de l'entreprise

La seule mention "au même niveau de rémunération" a été jugée insuffisante pour permettre à la salariée de prendre une décision éclairée.

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Le pourvoi en cassation de l'employeur

L'employeur a contesté cette décision en formant un pourvoi devant la Cour de cassation, soutenant notamment que :

  • L'article D. 1233-2-1 du Code du travail n'exige pas la précision de l'adresse ou de l'activité de l'entreprise.
  • L'absence de certaines mentions ne constitue qu'une irrégularité de procédure, n'entraînant pas l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.
  • La salariée n'avait émis aucune réserve ni demandé de précisions supplémentaires lors de son refus.

L'arrêt de la Cour de cassation

Dans son arrêt du 23 octobre 2024, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de l'employeur, confirmant ainsi l'analyse de la Cour d'appel.

Les motifs de la décision

  1. Obligation de précision des offres de reclassement : La Cour rappelle que, selon l'article L. 1233-4 et l'article D. 1233-2-1 du Code du travail, les offres de reclassement doivent comporter toutes les mentions listées, sans exception. L'absence de l'une de ces mentions rend l'offre imprécise.
  2. Manquement à l'obligation de reclassement : Une offre imprécise caractérise un manquement de l'employeur à son obligation de reclassement. Ce manquement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.
  3. Absence de loyauté : L'employeur n'a pas accompli son obligation de reclassement avec la loyauté nécessaire en se contentant d'une offre imprécise et formelle.

Conséquences pour l'employeur

La Cour a confirmé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse. L'employeur a été condamné à verser à la salariée des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, conformément à l'article L. 1235-3 du Code du travail.

offre de reclassement licenciement économique

Les enseignements de cet arrêt

L'obligation de reclassement est impérative

L'employeur doit s'assurer que chaque offre de reclassement contient toutes les mentions obligatoires. Il ne peut se contenter d'informations partielles ou vagues. Cette exigence s'applique quel que soit le mode de communication de l'offre : qu'elle soit personnalisée ou diffusée sous forme de liste.

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Une offre imprécise équivaut à une absence d'offre

L'absence d'une seule mention essentielle dans l'offre de reclassement la rend imprécise. Par conséquent, l'employeur est considéré comme n'ayant pas respecté son obligation légale de reclassement.

Conséquences en cas de manquement

Un manquement à l'obligation de reclassement entraîne la nullité du licenciement économique. Le licenciement est alors dépourvu de cause réelle et sérieuse, ouvrant droit pour le salarié à des dommages-intérêts pouvant aller jusqu'à 20 mois de salaire, en fonction de son ancienneté et du préjudice subi.

Les obligations de l'employeur en matière de reclassement

Pour respecter son obligation de reclassement, l'employeur doit :

  • Proposer toutes les offres de reclassement disponibles au sein de l'entreprise et du groupe.
  • Communiquer ces offres par écrit, en respectant les mentions obligatoires.
  • Adapter les offres en fonction des compétences et qualifications du salarié.
  • Agir avec loyauté et transparence dans la procédure.

Conclusion

Cet arrêt de la Cour de cassation réaffirme l'importance de la précision et de la complétude des offres de reclassement dans le cadre d'un licenciement économique. Les employeurs doivent être vigilants et veiller scrupuleusement au respect des dispositions légales pour éviter que le licenciement ne soit contesté et requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Points clés à retenir

  • Toutes les mentions obligatoires doivent figurer dans l'offre de reclassement : intitulé du poste, descriptif, nom de l'employeur, nature du contrat, localisation, niveau de rémunération, classification.
  • Une offre imprécise équivaut à un manquement à l'obligation de reclassement.
  • Le licenciement économique sans offre de reclassement valable est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
  • L'employeur doit agir avec loyauté et fournir au salarié toutes les informations nécessaires pour une prise de décision éclairée.

Conseils pratiques pour les employeurs

  • Vérifier systématiquement que toutes les mentions obligatoires figurent dans chaque offre.
  • Personnaliser les offres en fonction du profil du salarié concerné.
  • Garder une trace écrite de toutes les communications avec le salarié.
  • Former les responsables RH sur les obligations légales en matière de reclassement.

Pour les salariés

  • S'assurer que les offres de reclassement reçues sont complètes.
  • Demander des précisions si certaines informations manquent.
  • Consulter un avocat en cas de doute sur la validité de l'offre ou du licenciement.