Obligation de mixité dans les organes sociaux : quels enjeux en droit du travail ?

Ce qu’il faut retenir sur l’obligation de mixité dans les organes sociaux

  • Une obligation ciblée sur les grandes sociétés cotées : Sont concernées les SA et SCA dont les actions sont admises sur un marché réglementé et qui emploient au moins 250 salariés avec un chiffre d’affaires d’au moins 50 millions d’euros ou un total de bilan d’au moins 43 millions d’euros. Ces entreprises doivent, à partir de 2026, se conformer à de nouvelles exigences de transparence sur la mixité de leurs organes sociaux.
  • L’AMF devient le principal acteur de contrôle : La loi DDADUE 5 confie à l’Autorité des marchés financiers la mission de recevoir les données de mixité, de contrôler leur exactitude, de les publier et d’assurer le dialogue avec le Haut Conseil à l’égalité femmes-hommes.
  • Des ajustements importants pour la représentation salariée : La réforme corrige les effets restrictifs de l’ordonnance de 2024 concernant les représentants des salariés actionnaires, et impose aux statuts des sociétés des règles de désignation assurant la parité entre les sexes.
  • Une réforme à fort impact en droit du travail : Au-delà du droit des sociétés, cette réforme mobilise les directions RH, les partenaires sociaux et les comités d’entreprise dans l’adaptation des statuts, des processus de désignation et du dialogue social autour de la gouvernance d’entreprise.

Une obligation de mixité qui interpelle le droit du travail

L’obligation de mixité dans la composition des organes sociaux ne relève plus uniquement du droit des sociétés. Depuis l'ordonnance n° 2024-934 du 15 octobre 2024 et sa correction par la loi DDADUE 5 du 30 avril 2025 (n° 2025-391), le droit du travail est appelé à jouer un rôle structurant dans la gouvernance des entreprises, en particulier s'agissant de la place accordée aux salariés dans les conseils.

En instaurant des obligations de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes dans les organes collégiaux des SA et des SCA cotées, la réforme transforme les modalités de désignation des représentants des salariés et des salariés actionnaires. Le droit du travail devient ainsi un vecteur d'équilibre dans la gouvernance d'entreprise.

Un champ d’application conditionné par la taille de l’entreprise

La loi s'applique aux sociétés anonymes (SA) et aux sociétés en commandite par actions (SCA) dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé et qui réunissent les critères suivants :

  • Un effectif égal ou supérieur à 250 salariés au 31 décembre de l'exercice précédent ;
  • Un chiffre d'affaires net d'au moins 50 millions d'euros ou un total de bilan d'au moins 43 millions d'euros.

Ces entreprises devront se conformer, à compter du 1er janvier 2026 ou du 30 juin 2026 selon leur mode de gouvernance, à des obligations de communication relatives à la mixité dans leurs organes sociaux, et ce auprès de l'Autorité des marchés financiers (AMF).

L'encadrement juridique de la représentation salarière à l'épreuve de la mixité

Représentants des salariés actionnaires : retour au droit antérieur

L'article L. 225-23 du Code de commerce prévoit la désignation des administrateurs représentants des salariés actionnaires par l'assemblée générale, sur proposition de candidats élus préalablement. L'ordonnance de 2024 avait restreint le collège électoral aux seuls salariés actionnaires directs, excluant de fait les porteurs d'actions via un plan d'épargne entreprise (PEE) ou un fonds commun de placement d'entreprise (FCPE).

La loi DDADUE 5 corrige cette restriction en abrogeant les dispositions de l'ordonnance sur ce point. Elle rétablit ainsi la possibilité pour tous les salariés actionnaires, y compris indirects, de participer à l'élection des candidats.

Représentants des salariés : des statuts à adapter

L'article L. 225-28 du Code de commerce impose désormais que les statuts des sociétés prévoient des modalités de désignation des administrateurs représentant les salariés de nature à garantir une représentation équilibrée entre les sexes. Cette disposition s’inscrit dans la continuité de la loi "Rixain" du 24 décembre 2021, mais en renforçant son exigibilité.

Cette obligation entrera en vigueur au 1er janvier 2026, à condition toutefois qu'un décret d'application précise les modalités de mise en œuvre. En son absence, la faculté prévue par l'ordonnance permettant une mise en conformité anticipée des statuts a été supprimée par la loi DDADUE 5.

Le suivi et la publication des données de mixité : un nouveau devoir de transparence

L'AMF, autorité centrale de contrôle

L'article L. 22-10-1-1 du Code de commerce, créé par la loi DDADUE 5, désigne explicitement l'Autorité des marchés financiers comme autorité de contrôle et de suivi du respect des règles de mixité dans les organes sociaux des sociétés cotées.

Cette dernière est tenue :

  • De collecter les données de mixité ;
  • De coopérer avec le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes ;
  • De publier une liste des entreprises respectant les seuils de mixité dans leurs conseils d'administration ou de surveillance.

Notons que cette publication ne s'étend pas encore aux directoires, bien qu'ils soient inclus dans les obligations de remontée d'information à l'AMF.

Une harmonisation des calendriers

La loi DDADUE 5 aligne les dates d'application de ces obligations de communication :

  • Au 30 juin 2026 pour toutes les SA à conseil de surveillance, les SCA et désormais aussi les SA à conseil d'administration, initialement prévues pour le 1er janvier 2026.

Cette cohérence vise à permettre une mise en conformité uniforme du tissu des grandes entreprises cotées.

Une gouvernance d’entreprise influencée par les exigences sociales

La mixité, un vecteur de dialogue social

L'exigence de mixité agit comme un levier pour repenser le dialogue social au sein de l'entreprise. L'intégration de salariés dans les instances de gouvernance, en particulier via des dispositifs de participation ou d'actionnariat salarié, n'est plus uniquement une démarche symbolique. Elle engage désormais la responsabilité juridique de l'entreprise en matière de diversité et d'égalité.

Les partenaires sociaux, de leur côté, sont appelés à jouer un rôle accru dans la désignation des représentants et la négociation des statuts pour assurer la conformité aux nouvelles normes.

Vers une articulation entre CSE et gouvernance

Il conviendra d'observer dans les mois à venir si des ponts se tissent entre la représentation des salariés au sein du comité social et économique (CSE) et leur présence dans les conseils d'administration. Un alignement des critères de mixité entre ces deux instances pourrait émerger, dans un souci de cohérence institutionnelle.

Une nouvelle donne juridique pour l’équilibre des genres en entreprise

La réforme portée par la loi DDADUE 5 marque une évolution substantielle du droit social, en ce qu’elle inscrit la mixité dans le champ de la gouvernance d’entreprise. Elle engage non seulement les directions juridiques, mais aussi les DRH, les partenaires sociaux et les conseils d'administration dans une mise en conformité qui dépasse le simple exercice formel.

Cette démarche, encore en construction, suppose une veille juridique constante, une adaptation des statuts, une coopération interservices renforcée, et une sensibilisation des instances de dialogue social à la dimension égalitaire de la représentation.

Dans cette optique, le cabinet d’avocat en droit social est un acteur clé pour accompagner les entreprises dans cette transition juridique et organisationnelle, en garantissant la sécurité des procédures et la maîtrise du risque contentieux.