Combien d’avertissements avant un licenciement ?

Aucun nombre d’avertissements imposé par la loi avant un licenciement

  • Pas de seuil légal : ni le code du travail ni la jurisprudence n’exigent deux ou trois avertissements avant un licenciement.
  • Faute grave = rupture immédiate : un seul manquement sérieux (vol, violence, mise en danger) autorise le licenciement disciplinaire sans avertissement préalable.
  • Progressivité recommandée : pour une faute simple, l’employeur doit appliquer des sanctions graduées prévues au règlement intérieur (avertissement, blâme, mise à pied).
  • Délai de deux mois : l’entreprise dispose de soixante jours pour engager la procédure disciplinaire à compter de la connaissance complète des faits, sous peine de prescription.
  • Recours du salarié : douze mois pour contester un avertissement, cinq ans pour un licenciement, avec possibilité d’annulation si la procédure est irrégulière ou discriminatoire.

nombre avertissements avant licenciement

L’idée reçue du « troisième avertissement »

Dans l’imaginaire collectif, la progression disciplinaire serait immuable : premier avertissement ; deuxième avertissement ; troisième, puis licenciement. Or, le droit positif français ne renferme aucun seuil impératif. La véritable question n’est donc pas combien, mais dans quelles conditions l’employeur peut‑il rompre le contrat après un ou plusieurs rappels à l’ordre. L’analyse qui suit, strictement recentrée sur l’intention de recherche, détaille la mécanique légale, la jurisprudence récente et les précautions pratiques.

I. La notion d’avertissement : cadre légal et portée

1. Définition légale (article L1332‑1)

L’avertissement est la première sanction écrite de l’échelle disciplinaire. Il prend la forme d’un courrier motivé, remis en main propre contre reçu ou envoyé en recommandé. L’article L1332‑1 du Code du travail le décrit comme une mesure n’affectant ni les fonctions, ni la rémunération. Sa finalité est double : constater la faute et sommer le salarié de corriger son comportement.

2. Quels faits peuvent justifier l’avertissement ?

  • Retards répétés sans justification valable
  • Non‑respect ponctuel des consignes de sécurité
  • Négligence légère dans la tenue des dossiers

La faute doit rester simple : c’est‑à‑dire un manquement qui ne compromet pas, à lui seul, le fonctionnement du service.

3. Mentions obligatoires de la lettre

Pour résister à un contrôle judiciaire, la lettre doit :

  • Exposer les faits avec date, heure, lieu et témoins s’il en existe.
  • Qualifier la faute (simple) sans exagération.
  • Rappeler la possibilité de contester devant le conseil de prud’hommes.

II. L’échelle disciplinaire : de la simple remontrance au licenciement

Échelle classique (règlement intérieur) :

  1. Avertissement
  2. Blâme (réprimande solennelle et écrite)
  3. Mise à pied disciplinaire (5 à 15 jours, art. L1332‑2)
  4. Mutation ou rétrogradation (souvent avec accord écrit)
  5. Licenciement disciplinaire

Cette liste, imposée par l’article L1321‑1, doit être portée à la connaissance du personnel. À défaut, l’employeur ne peut l’invoquer.

1. Pas de double sanction pour une même faute

Le principe non bis in idem interdit de punir deux fois le même fait. Ainsi, un salarié averti pour un retard ne peut subir ensuite une mise à pied fondée sur ce même retard, sauf nouveaux éléments.

2. Effacement après trois ans

Une sanction disciplinaire s’efface de plein droit si aucune nouvelle faute n’est commise dans les trois années suivantes. Elle ne peut plus fonder une mesure ultérieure (Cass. soc., 23 sept. 2009).

III. Nombre d’avertissements requis : analyse textuelle

1. Absence de seuil légal

Ni le Code du travail ni les décrets d’application n’édictent un nombre d’avertissements. Le législateur s’est contenté de fixer des principes : proportionnalité, respect de la procédure, cause réelle et sérieuse (art. L1232‑1).

2. Apport des conventions collectives

Certaines conventions prévoient un « parcours » disciplinaire ; par exemple :

  • Convention SYNTEC : trois sanctions mineures avant licenciement.
  • Convention HCR : deux avertissements peuvent conduire à une mise à pied.

Toutefois, ces dispositions restent subordonnées à la gravité des faits. Ainsi, un salarié des HCR coupable d’agression verbale peut être licencié immédiatement, même sans antécédent.

3. Jurisprudence clé

  • Cass. soc., 26 oct. 2010, n° 09‑42.450 : licenciement pour faute grave valide, malgré l’absence d’avertissement antérieur.
  • Cass. soc., 6 mai 2015, n° 13‑28.160 : succession d’avertissements ne justifie pas un licenciement si la dernière faute est bénigne.

IV. Procédure disciplinaire et délais impératifs

1. Délai de deux mois (article L1332‑4)

L’employeur doit engager la procédure dans les deux mois suivant la connaissance exacte des faits. Ce délai est préfix : dépassé, toute sanction tombe. D’où l’importance d’horodater le rapport d’incident.

2. Convocation à entretien préalable

Obligatoire pour toute sanction pouvant affecter la présence dans l’entreprise (mise à pied, licenciement). Elle précise :

  • Objet : mesure envisagée.
  • Droit à assistance (article D1232‑4 pour le licenciement).

3. Notification de la décision

La sanction doit être notifiée par lettre motivée. En licenciement disciplinaire, les motifs formulés lient irrévocablement l’employeur ; aucune addition postérieure n’est possible.

V. Peut‑on être licencié sans avertissement ?

1. Faute grave ou lourde

Le salarié dont la présence est devenue impossible (violence, vol, insubordination caractérisée) peut être licencié immédiatement, sans avertissement, après entretien préalable. La mise à pied conservatoire sécurise la période d’instruction.

2. Motif personnel non disciplinaire

Dans l’hypothèse d’une insuffisance professionnelle (résultats durablement insuffisants), l’avertissement n’est pas obligatoire, la rupture reposant sur l’inaptitude et non la sanction.

3. Exemples jurisprudentiels

  • Vol de carburant : faute grave, licenciement validé (Cass. soc., 7 janv. 2021).
  • Erreurs répétées sans intention de nuire : insuffisance, rupture possible sans avertissement mais avec préavis (Cass. soc., 27 sept. 2018).

VI. Sanctions progressives : effets financiers et carrière

  • Avertissement / blâme : aucun effet sur salaire.
  • Mise à pied disciplinaire : suspension de traitement et gel d’ancienneté.
  • Rétrogradation : baisse potentielle de salaire et de classification, avec répercussion sur l’indemnité de licenciement.
  • Licenciement pour faute grave : suppression de l’indemnité légale et du préavis, mais maintien de l’indemnité compensatrice de congés payés.

VII. Contestation : voies de recours et stratégie

1. Conseil de prud’hommes

  • 12 mois pour contester une sanction disciplinaire (art. L1471‑1).
  • 5 ans pour contester un licenciement.

Le salarié doit produire la lettre incriminée, la convention collective et tout élément probatoire (rapports, mails).

2. Nullité automatique

Toute sanction fondée sur un mobile discriminatoire ou une atteinte à une liberté fondamentale est nulle ipso jure. La prescription est alors imprescriptible tant que dure l’atteinte.

3. Salariés protégés

Le licenciement d’un représentant du personnel requiert l’autorisation préalable de l’inspection du travail (art. L2411‑1). L’omission de cette étape annule la rupture.

Quelle stratégie pour chaque partie ?

  • Employeur : qualifier précisément la faute, respecter le délai de deux mois, appliquer la gradation, motiver les lettres.
  • Salarié : vérifier la régularité de la procédure, conserver toutes les pièces, agir dans les délais, solliciter, si nécessaire, l’assistance d’un avocat en droit du travail.

En définitive, la question « Combien d’avertissements ? » appelle une réponse nuancée : aucun chiffre légal, mais un faisceau d’indices, au croisement de la gravité du manquement, de la convention collective et de la procédure disciplinaire.