Dans l’imaginaire collectif, la progression disciplinaire serait immuable : premier avertissement ; deuxième avertissement ; troisième, puis licenciement. Or, le droit positif français ne renferme aucun seuil impératif. La véritable question n’est donc pas combien, mais dans quelles conditions l’employeur peut‑il rompre le contrat après un ou plusieurs rappels à l’ordre. L’analyse qui suit, strictement recentrée sur l’intention de recherche, détaille la mécanique légale, la jurisprudence récente et les précautions pratiques.
L’avertissement est la première sanction écrite de l’échelle disciplinaire. Il prend la forme d’un courrier motivé, remis en main propre contre reçu ou envoyé en recommandé. L’article L1332‑1 du Code du travail le décrit comme une mesure n’affectant ni les fonctions, ni la rémunération. Sa finalité est double : constater la faute et sommer le salarié de corriger son comportement.
La faute doit rester simple : c’est‑à‑dire un manquement qui ne compromet pas, à lui seul, le fonctionnement du service.
Pour résister à un contrôle judiciaire, la lettre doit :
Échelle classique (règlement intérieur) :
Cette liste, imposée par l’article L1321‑1, doit être portée à la connaissance du personnel. À défaut, l’employeur ne peut l’invoquer.
Le principe non bis in idem interdit de punir deux fois le même fait. Ainsi, un salarié averti pour un retard ne peut subir ensuite une mise à pied fondée sur ce même retard, sauf nouveaux éléments.
Une sanction disciplinaire s’efface de plein droit si aucune nouvelle faute n’est commise dans les trois années suivantes. Elle ne peut plus fonder une mesure ultérieure (Cass. soc., 23 sept. 2009).
Ni le Code du travail ni les décrets d’application n’édictent un nombre d’avertissements. Le législateur s’est contenté de fixer des principes : proportionnalité, respect de la procédure, cause réelle et sérieuse (art. L1232‑1).
Certaines conventions prévoient un « parcours » disciplinaire ; par exemple :
Toutefois, ces dispositions restent subordonnées à la gravité des faits. Ainsi, un salarié des HCR coupable d’agression verbale peut être licencié immédiatement, même sans antécédent.
L’employeur doit engager la procédure dans les deux mois suivant la connaissance exacte des faits. Ce délai est préfix : dépassé, toute sanction tombe. D’où l’importance d’horodater le rapport d’incident.
Obligatoire pour toute sanction pouvant affecter la présence dans l’entreprise (mise à pied, licenciement). Elle précise :
La sanction doit être notifiée par lettre motivée. En licenciement disciplinaire, les motifs formulés lient irrévocablement l’employeur ; aucune addition postérieure n’est possible.
Le salarié dont la présence est devenue impossible (violence, vol, insubordination caractérisée) peut être licencié immédiatement, sans avertissement, après entretien préalable. La mise à pied conservatoire sécurise la période d’instruction.
Dans l’hypothèse d’une insuffisance professionnelle (résultats durablement insuffisants), l’avertissement n’est pas obligatoire, la rupture reposant sur l’inaptitude et non la sanction.
Le salarié doit produire la lettre incriminée, la convention collective et tout élément probatoire (rapports, mails).
Toute sanction fondée sur un mobile discriminatoire ou une atteinte à une liberté fondamentale est nulle ipso jure. La prescription est alors imprescriptible tant que dure l’atteinte.
Le licenciement d’un représentant du personnel requiert l’autorisation préalable de l’inspection du travail (art. L2411‑1). L’omission de cette étape annule la rupture.
En définitive, la question « Combien d’avertissements ? » appelle une réponse nuancée : aucun chiffre légal, mais un faisceau d’indices, au croisement de la gravité du manquement, de la convention collective et de la procédure disciplinaire.