Canicule et chômage intempéries : comment les entreprises du BTP sont-elles désormais indemnisées ?
Ce qui change pour le BTP face à la canicule
La vigilance orange ou rouge déclenche l’indemnisation : dès qu’un département passe en alerte forte chaleur, l’arrêt de chantier ouvre droit au chômage intempéries.
Remboursement à 50 % pour 2024-2025 : la CIBTP compense la moitié du barème habituel, sans hausse de cotisation, avec option de majoration d’ici fin 2025.
Taux de cotisation maintenus jusqu’en mars 2026 : 0,68 % pour le gros œuvre et TP, 0,13 % pour le second œuvre, abattements relevés à 93 204 € puis 95 040 €.
Procédure sécurisée : déclaration sous 48 h, bulletin météo à l’appui, mention dédiée sur la paie, carnet météo et plan prévention chaleur pour garantir le remboursement.
Le régime chômage intempéries : rappel des fondements légaux
Créé par l’ordonnance du 21 octobre 1946 et codifié aux articles L 5424-6 à L 5424-17 du code du travail, le régime de chômage intempéries vise à protéger les salariés du bâtiment et des travaux publics lorsque les conditions atmosphériques rendent l’exécution du travail dangereuse ou impossible.
Champ d’application et risques couverts
Travailleurs du BTP titulaires d’un contrat de travail de droit privé ;
Interruption totale ou partielle du chantier due à des intempéries, inondations ou, depuis peu, épisodes de canicule.
Conditions d’ouverture des droits pour les salariés
L’employeur déclare l’arrêt auprès de la caisse CIBTP dans les 48 heures (art. D 5424-24). Les salariés perçoivent une « indemnité intempéries » dont le montant et la durée varient selon l’ancienneté et le nombre d’heures perdues (art. D 5424-33). L’entreprise, pour sa part, se fait ensuite rembourser une partie des sommes avancées, selon un barème fixé par arrêté.
L’intégration officielle de la canicule dans les risques indemnisables
Le décret 2024-630 du 28 juin 2024
Ce texte a modifié l’article D 5424-8 pour ajouter la canicule aux phénomènes ouvrant droit à indemnisation. Il renvoyait toutefois à un arrêté la définition précise des seuils d’alerte.
Arrêté du 27 mai 2025 : vigilance orange ou rouge
Désormais, un arrêt de chantier pour canicule est éligible dès que Météo-France place le département en vigilance orange ou rouge (arr. 27-5-2025, art. 2-3°). À titre de preuve, l’entreprise peut produire le bulletin de vigilance ou l’arrêté préfectoral ordonnant la suspension d’activité.
Effet rétroactif et recevabilité des déclarations
La CIBTP avait anticipé la mesure en admettant, dès le 1ᵉʳ juin 2024, les déclarations liées à la chaleur extrême. L’arrêté confirme cette pratique ; les dossiers déposés depuis cette date sont donc réguliers.
Conséquences financières pour l’employeur BTP
Un remboursement limité à 50 % pour 2024-2025
Deux arrêtés du 23 mai 2025 prévoient, à titre transitoire, que la CIBTP rembourse 50 % du barème habituel pour les arrêts dus à la canicule (art. 5). L’objectif est double :
préserver la trésorerie du fonds sans relever le taux de cotisation ;
maintenir la couverture intégrale des intempéries classiques.
La caisse pourra toutefois majorer ce pourcentage d’ici au 31 décembre 2025 si la situation financière le permet.
Taux de cotisation inchangés jusqu’en mars 2026
Pour la 79ᵉ et la 80ᵉ campagne (1ᵉʳ avril 2024 – 31 mars 2026), les taux demeurent :
0,68 % de la masse salariale (après abattement) pour le gros œuvre et les travaux publics ;
0,13 % pour les autres entreprises.
Le seuil d’abattement annuel est porté à 93 204 € pour 2024-2025 puis 95 040 € pour 2025-2026 (arr. 23-5-2025, art. 2).
À retenir : l’employeur finance le dispositif sans surcoût, mais l’indemnisation canicule est temporairement minorée.
Mise en œuvre pratique : démarches et bonnes pratiques
Déclaration d’arrêt de chantier pour canicule
L’entreprise transmet à la caisse :
le formulaire CIBTP « Déclaration d’intempéries » mentionnant le code CAN ;
le bulletin de vigilance Météo-France ou l’arrêté préfectoral. Le versement des indemnités aux salariés doit intervenir à l’échéance normale de paie.
Tenue d’un carnet de bord météorologique
Afin de sécuriser les remboursements, il est conseillé de conserver :
relevés horaires des températures de surface ;
observations consignées dans le document unique d’évaluation des risques (art. L 4121-3).
Ajustement du plan de prévention chaleur
Adapter les horaires (travail matinal), prévoir zones d’ombre et hydratation ;
Former le personnel à la reconnaissance des signaux d’alerte ;
Mettre à jour l’affichage obligatoire (art. R 4225-3).
Articulation avec d’autres dispositifs
Arrêt préfectoral : prime le référentiel CIBTP.
Mesure de chômage partiel de droit commun : non cumulable, mais peut prendre le relais si la durée excède le plafond indemnisable par la CIBTP.
Points d’attention pour l’employeur
S’assurer que le bulletin de salaire mentionne distinctement les heures indemnisées au titre du chômage intempéries (art. D 5424-25).
Vérifier que la convention collective n’accorde pas un complément de salaire.
Anticiper l’impact sur le planning : la reprogrammation des tâches extérieures peut nécessiter un avenant de délai dans les marchés publics.
Conclusion
L’entrée de la canicule dans le régime de chômage intempéries répond à une réalité climatique désormais récurrente. Les entreprises du BTP disposent d’un cadre juridique clair ; encore faut-il l’utiliser avec rigueur. Les avocats en droit social auront intérêt à conseiller leurs clients sur la preuve de la vigilance orange, le calibrage des bulletins de paie et la coordination avec l’activité partielle classique. En 2026, un premier bilan budgétaire permettra de vérifier si la minoration de 50 % doit perdurer ou s’effacer à mesure que le régime intègre ce nouveau risque dans son équilibre financier.